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Sissi, Impératrice d’Autriche – Jean des Cars : mon avis sur la biographie

   Qui ne connaît pas la belle Sissi de Wittelsbach, Impératrice d’Autriche, immortalisée sous les traits de la fabuleuse Romy Schneider ? C’est donc à une figure presque mythique que s’attaque Jean des Cars. Mais dans ce livre, pas de Romy Schneider ni de romance. C’est la véritable Sissi qui s’offre aux lecteurs, la Sissi au charme fou, devenue Impératrice du jour au lendemain, de la plus merveilleuse des manières, mais aussi la Sissi dépressive, à la vie secouée de drames et d’obligations qui la révulsent.

   Avec passion, avec modernité, grâce à des descriptions riches et à un style toujours agréable à lire, Jean des Cars sait à merveille nous transporter dans la Vienne impériale de ce XIXe siècle si singulier, dans la peau d’une femme éprise de liberté mais enchaînée à des devoirs qui lui font de plus en plus horreur à mesure que les années ont passé. Un destin fascinant, mais tragique en réalité. Dans sa biographie de Sissi, Jean Des Cars met bien l’accent sur ce côté paradoxal de la vie de la princesse : ses apparitions en public déchaînent les foules (en Hongrie surtout), elle est adorée, adulée, mais elle ne peut supporter ces ovations. Elle se pique alors d’une folie de voyages : ils lui permettent d’échapper au devoir de représentation qui l’étouffe. 

   Poursuivie par la tragédie, Sissi n’est jamais épargnée. De son vivant, elle captive par son charme mystérieux. Si son inaccessibilité irrite parfois, elle intrigue surtout. L’anarchiste italien qui a décidé de son assassinat n’avait certainement pas prévu que, par ce geste, il la ferait entrer dans la légende.

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Sissi Reine de Hongrie
Photo d’Elisabeth lors de son couronnement en tant que Reine de Hongrie, à Budapest, le 8 juin 1867

La jeunesse libre de Sissi mise en avant par Jean des Cars

   Dès le début, nous sommes plongés au cœur de l’environnement bavarois dans lequel Sissi a évolué jusqu’à ses prises ans. L’auteur insiste : Elisabeth n’a enduré absolument aucune contrainte dans sa jeunesse, ce qui explique le traumatisme subi par l’adolescente qui devient Impératrice. Aucune é tude suivie, aucun cérémonial, aucun garde-fou : ses journées, Sissi les passe dans la nature, en compagnie de ses chevaux et de ses chiens. Elle est rêveuse, romantique, spontanée . En somme, une jeune fille fragile… Mettre l’accent sur cette première jeunesse de Sissi est primordial pour comprendre l’évolution future de cette princesse en Bavière. 

   De nombreuses pages sont consacrées aux instants, d’une importance capitale, précédant le mariage de Sissi et de François-Joseph. Moments durant lesquels l’Empereur, qui doit épouser la sœur aînée d’Elisabeth, déjoue tous les calculs et tombe sous le charme de Sissi. Nous sommes ainsi immergés dans un véritable roman d’amour, le coup de foudre éprouvé par François-Joseph à l’égard de Sissi ayant tout d’un feuilleton télévisé. Le lecteur réalise avec délice que les intrigues familiales volent en éclats devant ce sentiment soudain et imprévisible par l’Empe reur. Les émotions qui agitent Elisabeth, complètement dépassées par ce qui lui arrivent, sont remarquablement décrites.

   Peut-être l’auteur at-il pris quelques libertés en se glissant dans la peau de son héroïne , mais les recherches minutieuses réalisées en amont se font sentir. Et cette façon de ne faire qu’un avec Sissi lors des instants qui ont transformé sa vie pour toujours, avec les conséquences que l’on sait, ne manque pas d’émouvoir.

Portrait de Sissi par Franz-Xaver Winterhalter en 1864, dévoilant son impressionnante chevelure, dont elle était si fière.
Portrait de Sissi par Franz-Xaver Winterhalter en 1864, dévoilant son impressionnante chevelure, dont elle était si fière.

L’impératrice Sissi contre Sophie

   La place qui est donnée dans l’ouvrage à la belle-mère de l’Impératrice, l’archiduchesse Sophie, est appréciable. Jean des Cars nous fait bien comprendre quel rôle important elle se donne à la Cour de Vienne, et quelle femme de caractère, quelle femme de tête elle était. Une femme qui ne supportait pas la contrariété, et surtout, surtout, qui ne supportait pas de voir son fils lui échapper.

   L’arrivée de Sissi, qu’elle n’a pas choisie, la dérange . La rivalité entre les deux femmes va empoisonner leurs relations, et engendrer des séquelles dramatiques et irréversibles… Prétendant tout régenter, jusqu’aux moindres détails de la vie du couple, Sophie décide de s’occuper des enfants de sa belle-fille . Sissi ne le supporte pas. Elle est privée de ses droits de mère. Et c’est ainsi que, n’étant pas autorisé à s’occuper de ses enfants, elle se détache d’eux .N’est-il pas significatif que sa fille préférée, Marie-Valérie, soit le seul de ses quatre enfants qu’elle ait élevé elle-même ? Jean des Cars remet ainsi en question, voire réfute, de façon justifiée, le mythe de l’Impératrice au sens maternel déplorable, n’éprouvant qu’indifférence à l’égard de ses propres enfants. 

   Certes Sissi, entêtée et toujours absolue dans ses décisions, n’a rien tenté pour adoucir ses relations avec sa belle-mère. Jean des Cars nous montre qu’elle réagit parfois de façon disproportionnée . Mais était-ce à elle de favoriser l’harmonie dans la famille dès le départ ? Le peut-on à seize ans, lorsque l’on est une jeune personne timide, brutalement déracinée et arrachée à l’enfance ? 

   Cependant, l’auteur diabolise aussi beaucoup Sophie, et pour faire la part des choses, je vous conseille de lire la biographie de cette femme par Jean-Paul Bled : vous pourriez être surpris ! 

Sissi la neurasthénique

   La personnalité très particulière d’Elisabeth d’Autriche en fait un sujet très intéressant.  Jean Des Cars l’a compris, et s’applique à nous immerger dans le quotidien terriblement formaliste d’une Impératrice d’Autriche, pour nous permettre de mieux saisir sa psychologie si complexe. L’un de ses chapitres s’intitule d’ailleurs  » l’ Impératrice brimée «  .

   En dépression quasi continue, il ne faut pas oublier que Sissi est une Wittelsbach (lignée qui règne sur la Bavière) et que l’hérédité fait son œuvre  : l’auteur signale bien qu’un dérangement mental l’habite, ce que les feuilletons ont tendance à occulter. S’il est beaucoup plus mesuré, plus relatif et moins voyant que chez d’autres membres de sa famille, il l’entraîne dans une  quête perpétuelle d’ absolue, et provoque chez elle des réactions, des réflexions parfois inattendues.

L’obsession qu’elle entretient autour de son corps, de la beauté  (la sienne mais aussi celle des autres puisqu’elle collectionne les images des plus belles femmes du monde entier),  l’intérêt étrange qu’elle manifeste à l’égard des aliénés , ses  pensées toujours tournées vers la mort … Voilà des preuves incontestables de sa mélancolie, que l’on ressent d’ailleurs en observant un peu attentif ses nombreux portraits, à travers son regard notamment. Son mari François-Joseph, qui l’aime pourtant tendrement, a de plus en plus de difficultés à la suivre, à la comprendre.

   J’ai ainsi apprécié que l’auteur, tout en rappelant les drames et les déchirements survenus dans la vie de Sissi, montre à son lecteur que la dépression chronique dont elle est victime vient avant tout d’elle-même . Un dérangement l’habite depuis sa toute jeune enfance. Le danger la stimule , la mort l’attire, elle finira même, comme le dit très bien Jean des Cars, par l’appeler. Les drames (sur la mort de son fils, Jean des Cars apportent des révélations qui laissent pantois) ne font qu’intensifier sa détresse première.

Elisabeth par Léopold Horowitz vers 1899
Elisabeth par Léopold Horowitz vers 1899

François-Joseph, le mari fou d’amour

   L’Empereur n’est pas en reste dans cette biographie ! Sa personnalité et ses rapports avec sa femme sont longuement évoqués, bien entendus, et son action politique égalemen t. Cela permet au lecteur de bien situer l’action, et de suivre Sissi de concert avec les bouleversements européens. T oile de fond d’ailleurs incontournable pour comprendre l’action politique de l’Impératrice en Bavière, le pays de son cœur.

   Détails touchants, Jean des Cars s’applique à éclairer le lecteur sur un aspect de la vie de l’Empereur qui est rarement évoqué. François-Joseph est un homme profondément épris de sa femme, incapable d’endiguer la fuite en avant de celle qui éclaire ses journées, et incapable de lui en vouloir lorsqu’elle s’évade, toujours plus souvent, le manifeste seul des semaines durant alors qu’il implore sa présence, son soutien. François-Joseph est un homme à qui l’amour apporte des joies incomparables, mais aussi beaucoup de souffrances. Il trouve un curieux équilibre en prenant une maîtresse… validée par sa femme.

   On ne peut que s’étonner de la façon avec laquelle Sissi parvient à rester de longs mois séparés de son mari, qui l’aime sans concession, avant d’être enfin tourmentée par un sentiment de culpabilité, qu’i la fait revenir pour quelques semaines, quelques jours seulement parfois…

   Une femme bien étrange qu’Elisabeth, Impératrice d’Autriche qui fuyait pourtant Vienne comme la peste, quitte à abandonner son mari et ses enfants ! Victime d’un mal être profond, complexe, incurable, son portrait ne saurait se contenter des clichés souvent véhiculés, superficiels . Jean des Cars a le mérite d’apporter des éclaircissements sur certaines facettes de sa personnalité qui valent le détour.

👉 À lire aussi : François-Joseph et Sissi par Jean des Cars

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Points positifs

  Le style, très fluide, très agréable, une biographie qui se lit comme un roman

♥  Le soin que prend l’auteur à décortiquer et à suivre les évolutions de la personnalité de Sissi, et à analyser ses réactions

♥  Les mises en lumière qui sont faites, concernant notamment les rapports qu’à l’Impératrice avec ses enfants, la mort de son fils, son rôle en politique hongroise et ses rapports avec François-Joseph

♥  Le souci d’authenticité et d’objectivité de l’auteur qui en fait un des meilleurs livres sur Sissi

Points négatifs

Une proximité avec son sujet, qui peut gêner, mais qui est à proposer et qui donc ne m’a personnellement pas dérangée.

Dans la lignée de cet ouvrage, je conseille également, du même auteur,   « Louis II de Bavière »   (le célèbre cousin de Sissi) et   « Rodolphe et les secrets de Mayerling »  (le fils libéral de Sissi mort si tragiquement, mort sur laquelle Jean des Cars apporte des révélations qui laissent songeur)

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Cet article a 14 commentaires

  1. fabienne di bello

    Pour voir revivre Sissi et Louis II de Bavière, il faut absolument regarder le somptueux « Ludwig » de Visconti..Les si beaux portraits de l’impératrice et de son cousin s’animeront alors…

    1. Plume d'histoire

      Je n’y manquerai pas !

    2. FELIX

      Ah oui je suis tout à fait d’accord sur la représentation de Sissi et Louis II dans « Ludwig le crépuscule des Dieux » FABULEUX !!!

  2. BERNARD

    Le livre et le film sont formidables !!! ne pas oublier les mémoires de la dernière impératrice d’Autriche Zita …

    1. Plume d'histoire

      Concernant l’Impératrice Zita, la biographie de Jean Sevilla est assez bien faite 🙂

  3. Louise-Adélaïde

    Voilà qui me réconcilie, par le réalisme du commentaire avec le personnage de « Sissi » dont jusqu’à présent j’étais éloignée; je vais acheter cet ouvrage, merci Plume d’Histoire et tous mes compliments pour le choix des portraits, ( superbes!) choix très fin qui permet de visualiser le regard d’Elisabeth d’Autriche, plein de mal être en effet, cela laisse songeur; Louise-Adélaïde;

    1. Plume d'histoire

      Je vous remercie pour ce commentaire, voilà qui fait plaisir ! Bonne lecture, vous ne devriez pas être déçue 😉

  4. Fran

    Je vais acheter ce livre. Merci Plume d’histoire pour les portraits choisis et la qualité de l’analyse.

    1. Plume d'histoire

      Je suis ravie que cette critique vous incite à lire la biographie !

  5. Oddo

    Excellent livre, je rajouterais qu il faut lire aussi les biographies de Brigitte Hamann et du conte Egon Corti.
    Quand au film Ludwig ou le crépuscule des dieux c est un chef d oeuvre. Romy Schneider nous fait oublier son rôle mièvre dde la trilogie des Sissi

    1. Plume d'histoire

      Tout à fait d’accord !

  6. chrishasenfratz

    J’ai lu et relu ce très beau livre qui fait revivre la Vraie Impératrice Sissi et Ludwig le Crépuscule des Dieux est une sublime évocation de cette femme hors du temps.
    Je suis une passionnée de Sissi depuis que j’ai vu la trilogie des Sissi, bien trop mièvre à mon goût mais qui vaut pour voir et revoir la belle Romy.
    Jean des Cars a commis plusieurs livres sur les Wittelsbach et Habsbourg et celui contant la vie de Louis II de Bavière est également très intéressant
    Merci pour la critique de ce livre et bonne continuation
    Au plaisir de vous lire

    1. Plume d'histoire

      J’ai en effet aussi lu son Louis II de Bavière, très bon ! Pour compléter avec la biographie qu’en fait Jacques Bainville 🙂 Merci, à bientôt sur le site !

  7. senegref

    Pour les enfants, je recommande le très bel album bilingue français/allemand « Une princesse bien turbulente » / Prinzessin Wirbelwind » des éditions Bernest. Le texte respecte bien la réalité historique (avec humour, et adapté aux enfants) et le graphisme est une oeuvre d’art.

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