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Napoléon III et Eugénie, bienfaiteurs et amis de Pasteur

Attirer l’attention de l’Empereur

Louis Pasteur, né en 1822 à Dole, est déjà un éminent professeur de physique et de chimie lorsque Louis-Napoléon Bonaparte proclame le Second Empire en 1852. Profondément bonapartiste, Pasteur séjourne de plus en plus fréquemment à Paris. Il entre à l’Académie des sciences le 8 décembre 1862. C’est une récompense pour avoir réfuté la thèse dite « de la génération spontanée » grâce à la découverte des « animalcules », que l’on nommera bientôt microbes. Les portes des Tuileries, où se pressent les courtisans de Napoléon III et Eugénie lorsque le couple impérial séjourne dans la capitale, lui sont désormais ouvertes.

Pasteur parvient à transmettre à l’Empereur, par l’intermédiaire de ses ministres, un dossier concernant ses recherches sur la putréfaction et la fermentation. Napoléon III, infiniment plus cultivé que la plupart de ses contemporains, amoureux des sciences de toutes sortes, est fasciné par les travaux de Pasteur.

Il l’encourage vivement à poursuivre ses expériences, et l’État paie pour l’agrandissement du laboratoire du scientifique. Après lui avoir fait l’honneur d’une entrevue en tête à tête, l’Empereur le charge en 1863 d’étudier les maladies des vins. Ravi de cette confiance et de cet intérêt manifeste pour son travail, Pasteur se met à l’œuvre avec ardeur et multiplie les expériences, les prélèvements chez les cavistes et les enquêtes auprès des vignerons. Il s’attèle à découvrir les causes des maladies, et surtout à mettre au point des remèdes.

Détail d'un tableau représentant Napoléon III et Eugénie qui se font présenter les plans pour l'aménagement du Louvre par l'architecte Visconti. Par Ange Tessier, 1865, château de Versailles
Détail d’un tableau représentant Napoléon III et Eugénie qui se font présenter les plans pour l’aménagement du Louvre par l’architecte Visconti. Par Ange Tessier, 1865, château de Versailles

Captiver l’Impératrice

Recommandé à l’Impératrice par le chimiste Dumas, mais aussi par Conti, conseiller d’État et secrétaire de l’Empereur, Pasteur reçoit une invitation pour Compiègne, résidence privilégiée d’Eugénie pour l’organisation de ses fameuses « séries ». Dès le retour de la belle saison, elle convie une soixantaine de personnes à partager les activités du couple impérial. La liste des invités change en permanence, par roulement d’une semaine, par séries de personnalités.

Être convié aux séries de l’Impératrice devient ainsi le signe d’une distinction très prisée. Pasteur est embarqué dans la troisième série de l’année 1865, au grand bonheur de Napoléon III, impatient de constater l’avancement des recherches de son cher Pasteur.

Pasteur raconte tous les jours à sa femme son séjour enchanteur, à travers une abondante correspondante. Il qualifie Napoléon III d’homme « tout à fait extraordinaire », et se trouve immédiatement sous le charme d’Eugénie, cette souveraine pleine de grâce, hôtesse accomplie et très spirituelle.

Il est d’autant plus impressionné par l’intelligence et la curiosité de l’Impératrice qu’elle semble très intéressée par ses découvertes. Il engage avec elle des conversations passionnées sur le choléra ou l’instruction publique. Montrant un engouement par la microscopie, Eugénie demande à Pasteur et au docteur Long, physiologiste, de préparer une expérience sur la circulation du sang. Pour que la petite société puisse observer une goutte de sang au microscope, elle se pique elle-même sans hésitation avec une aiguille.

Pasteur faisant valoir que les expériences risquent de se renouveler, il avoue que du sang de grenouille ferait aussi bien l’affaire. Aussitôt, l’Impératrice charge son chambellan d’aller débusquer quelques spécimens : difficile en cette saison. Les grenouilles demandées arriveront trop tard dans l’appartement puisque c’est une nouvelle occupante qui, se levant au beau milieu de la nuit, sera fort surprise de sentir sous ses pieds une masse froide et visqueuse !

Eugénie, qui s’enthousiasme décidément pour les exposés biologiques, demande à Pasteur pourquoi il ne fait pas breveter ses découvertes. Napoléon III approuve. Le savant, dont les démêlés avec l’Académie des sciences sont nombreux, retient la suggestion. Il est également heureux de constater que Napoléon semble très intéressé par sa nouvelle technique de pasteurisation, permettant de conserver les vins…

Louis Pasteur
Louis Pasteur

Premier fan du couple impérial

Louis Pasteur, devenu intime de la famille impériale, s’adresse à présent directement à l’Empereur ou à l’Impératrice. Il est flatté de voir que les souverains comprennent l’intérêt économique et scientifique de ses recherches. En 1866, Pasteur publie ses Études sur le vin, qu’il dédie à Napoléon III. L’Empereur l’en remercie par écrit, le 11 novembre 1866 :

Mon cher Monsieur Pasteur,

Je n’avais pas oublié vos intéressantes expériences sur le traitement des vins. Elles sont lumineusement exposées dans votre livre. L’industrie, j’en suis convaincu, en fera tôt ou tard son profit et vous lui aurez rendu un très grand service. Recevez mes remerciements, pour l’hommage que vous avez bien voulu me faire de votre travail et croyez à mes sentiments.

Napoléon.

Pasteur se sent très lié à la famille impériale, et se réjouit d’apprendre qu’une de ses connaissances, Augustin Filon, a été nommé précepteur du prince impérial, dit Loulou :

Vous avez les dons de l’esprit et de l’intelligence qui conviennent à votre noble mission. Je suis assuré que vous vous efforcerez d’avoir au même degré ceux du cœur et du caractère. C’est ainsi que vous arriverez à développer dans votre jeune élève la grandeur d’âme de l’Empereur et les saintes vertus de l’Impératrice. C’est mon vœu le plus cher.

En janvier 1868, le couple impérial se rend à la Sorbonne et distingue Pasteur par une visite de son laboratoire. En octobre de cette même année, le scientifique est victime d’une attaque cérébrale. Il reste paralysé du côté gauche, mais ses capacités intellectuelles sont intactes. Napoléon III, songeant certainement qu’une villégiature lui sera salutaire, lui propose d’aller expérimenter en grand ses méthodes de grainage dans le cadre de ses travaux sur la résolution des maladies touchant les vers à soie, notamment la dévastatrice pébrine.

Napoléon III, Eugénie et leur fils le prince impérial
Napoléon III, Eugénie et leur fils le prince impérial

Pasteur accepte avec enthousiaste, et gagne la Villa Vicentina, sur la côté Adriatique. Ce vaste domaine avait appartenu à Elisa Bacciochi, sœur de Napoléon Ier, et la fille d’Élisa l’a légué au prince impérial. Les élevages de vers à soie réussissent « merveilleusement », comme Pasteur l’écrit lui-même à l’été 1870, et il dédie ce succès à l’Impératrice.

La grave défaite de l’armée française face à l’armée prussienne à Sedan, qui sonne le glas du Second Empire en 1870, émeut énormément Pasteur. Il réaffirme, à travers une lettre au maréchal Vaillant, ministre de la maison de l’Empereur déchu, son indéfectible dévouement :

Accordez-moi une faveur, celle de me nommer quand vous écrirez à S.M l’Impératrice parmi les personnes qui se souviendront éternellement de ses bontés et de celles de l’Empereur (…) l’Empereur peut attendre avec confiance le jugement de la postérité. Son règne restera comme l’un des plus glorieux de notre histoire.

Louis Pasteur sera l’un des premiers à envoyer personnellement une lettre de condoléances à son amie Eugénie lors de la mort de Napoléon III en 1873. Il n’oubliera jamais les bienfaits du couple impérial…

Sources

♦ Eric Anceau : Napoléon III

♦ Jean des Cars : Eugénie, la dernière impératrice : Ou les larmes de la gloire

♦ Charles-Eloi Vial : Les derniers feux de la monarchie

♦ Maurice Vallery-Radot : Pasteur

Cet article a 4 commentaires

  1. Daniel

    Encore une découverte! J’ignorais cette proximité entre Pasteur et le couple impérial. Merci!

  2. Marc Antonio

    Ce qui est touchant, c’est que cette amitié a perduré après la chute du Second Empire. Pasteur, un grand homme dans tous les sens du terme.

  3. nassimboussaadia

    Je ne savais pas qu’ils étaient proches!

    1. Plume d'histoire

      Et pourtant !

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