You are currently viewing Adèle Hugo, biographie de celle qui a été étiquetée « folle de la famille »

Adèle Hugo, biographie de celle qui a été étiquetée « folle de la famille »

 

L’histoire de la folie supposée d’Adèle Hugo, la fille de Victor Hugo débute un jour de l’année 1863. Elle fausse compagnie à son père, alors en exil, et embarque pour Halifax au Canada, où stationne le régiment d’un officier anglais dont elle est amoureuse : Albert Pinson. Pour se dégager de la servitude dans laquelle son père la maintient, elle est prête à tout. Même à se persuader d’un amour qui n’existe pas… La légende est en marche.

Voilà qui arrange les affaires de Victor Hugo. Faire passer Adèle pour folle plutôt que d’admettre ses actes d’indépendance qui le décrédibilisent. Un père meurtri par la folie de sa fille, n’est-ce pas davantage en adéquation avec l’image du père exemplaire qu’il souhaite donner à ses contemporains et laisser à la postérité ?

Victor Hugo, malgré toutes ses qualités que l’on se saurait nier, est un grand névrosé comme beaucoup de génies. Et il a un vilain défaut : l’égoïsme.

Adèle dessinée par sa mère en 1843 (maison de Victor Hugo)
Adèle Hugo dessinée par sa mère, Adèle Foucher en 1843 (maison de Victor Hugo)

Un désastreux schéma familial

Adèle Hugo, dernier enfant du couple formé par Victor Hugo et Adèle Foucher, naît le 28 juillet 1830 (avant elle sont nés Léopoldine, Charles et enfin François-Victor). Le couple Hugo bat de l’aile. Cette même année en effet, Sainte-Beuve, ami de Victor Hugo et parrain de la petite, devient l’amant de sa mère.

 Adèle Foucher tente de rompre après la naissance d’Adèle. Mais torturée entre passion et devoir, entre liberté procurée par son amant et fidélité à Victor dont la personnalité l’écrase, elle offre à sa fille, pendant 7 années, celles de son enfance, le spectacle d’une mère instable consumée par ses passions.

   Lorsqu’enfin Sainte-Beuve disparaît de la vie de sa mère, Juliette Drouet fait irruption dans celle de son père.

   La jeune Adèle reste profondément marquée par les amours de son père durant les années critiques de l’adolescence. Ce père tyrannique et inaccessible, capable de se donner avec passion à ses maîtresses, mais pas à sa famille.

👉 À lire aussi : les femmes de Gustave Eiffel

 

Adèle Foucher, mère d'Adèle Hugo, en 1839 par Louis Boulanger (maison de Victor Hugo, détail)
Adèle Foucher, mère d’Adèle Hugo, en 1839 par Louis Boulanger (maison de Victor Hugo, détail)

Adèle se raccroche à sa sœur aînée Léopoldine, dont elle est très proche. Lorsque Léopoldine meurt noyée en 1843, à l’âge de dix-neuf ans, quelque temps après son mariage, c’est le drame. Adèle, dite « Dédé », ne se remettra jamais de la perte de « Didine ».

Comment, dans ce désastreux schéma familial, peut-elle se construire normalement ?

Adèle Hugo se transforme en une magnifique jeune femme, qui laisse ses sentiments amoureux la submerger. Surnommée « la plus grande beauté » par Balzac, elle possède une crinière soyeuse de cheveux noirs et de beaux yeux sombres. Les contemporains ne tarissent pas d’éloges. Adèle tombe amoureuse du peintre Eugène Delacroix, du sculpteur Auguste Clésinger, puis d’Auguste Vacquerie. À propos des hommes, elle écrit dans un Journal qu’elle tient à partir de mars 1852 :

Ils sont fades, incomplets : puis ce ne sont pas des hommes, car pour moi, un homme n’est guère homme que lorsqu’il a du génie, de la beauté virile, et une nature de fer.

L’exil de la famille Hugo à Jersey

Au début de l’année 1852, pour avoir accusé Napoléon III de haute trahison, Victor Hugo est condamné à l’exil. Il est impensable que les siens ne partagent pas son sort, aussi toute la famille ne tarde-t-elle pas à quitter la France.

   Ils se retrouvent d’abord dans l’île de Jersey : Auguste Vacquerie, l’amant transi d’Adèle, est présent. Tout un groupe de proscrits leur tient compagnie.

   A 23 ans, Adèle est l’une des femmes les plus courtisées de l’île. Elle court toutes les fêtes : on la voit au carnaval costumée en Louis XV, ses magnifiques cheveux noirs poudrés de blanc. Les demandes en mariage se succèdent.

   La seule qui retient l’attention d’Adèle est celle d’un certain John Rose : « J’étais allumée. J’avais ma robe groseille, mon beau bijou, mon voile de tulle, mon manteau noir, j’étais idéale ». Mais elle refuse de s’engager : « Je n’étais pas assez follement éprise, je n’étais qu’éprise. De plus, il y avait l’Autre ».

   L’autre, c’est Auguste Vacquerie, qu’Adèle oublie à l’été 1854, lorsqu’elle fait la connaissance d’un jeune officier anglais, Albert Pinson. C’est le coup de foudre. Ils se voient plusieurs fois, notamment au cours de séances de spiritisme dont raffole Victor Hugo, et Adèle note dans son Journal :

Je t’aime parce que tu es Anglais, royaliste, blond, matière, passé, soleil. Je n’ai pas de mérite à échauffer le feu génie mais j’ai de la gloire à faire fondre la neige.

   

 
Adèle photographiée par son frère Charles Hugo en 1853/1854 (maison de Victor Hugo)
Adèle photographiée par son frère Charles Hugo en 1853/1854 (maison de Victor Hugo). Photo dite  » Adèle à l’ombrelle « 

Hauteville House, le tombeau d’Adèle Hugo

En 1855, Victor et sa famille s’installent à Hauteville House, dans l’île de Guernesey située entre la France et l’Angleterre. C’est une maison perdue au milieu de nulle part, surplombant une falaise où s’agite un océan. Paysage de tragédie qui procure à Victor Hugo la sérénité nécessaire à la composition de ses chefs-d’œuvre (Les Contemplations, Les Misérables…).

En revanche pour Adèle, cet exil signifie le début de la fin. Victor Hugo impose à sa fille, passionnée et sujette à la mélancolie, un isolement complet. Une solitude effroyable qui n’est pas propre à l’épanouissement d’une jeune fille, surtout aussi sensible.

Adèle Foucher, épouse résignée, s’insurge pourtant contre le traitement infligé à ses enfants, et remarque tout de suite que sa fille vit plus mal que les autres ce nouvel exil. Mais que peut-elle faire ? Elle est depuis longtemps soumise à la volonté de son mari. Elle est, comme ses enfants, sous son emprise affective et morale.

La jeune femme vit dans une régularité extraordinairement monotone. A une amie, Marie de Villeneuve, elle écrit : « Ma vie s’écoule toujours aussi heureusement et aussi gaiement que le sombre exil le permet ».

Pour noyer sa mélancolie, elle joue du piano. Et divinement bien. Elle interprète Brahms, Chopin, Beethoven, Mozart. C’est une virtuose. Elle compose pour des concerts ou met en musique les poèmes de son père. Grande portraitiste aussi, elle réalise d’admirables caricatures et des peintures à l’huile offertes lors de ventes de charité au bénéfice des proscrits. Elle fait croire qu’elle est comblée par cette activité artistique, mais tout le monde se rend compte de son accablement.

Victor Hugo, sa femme (à droite) et sa fille (à gauche) - maison de Victor Hugo
Victor Hugo, sa femme (à droite) et sa fille (à gauche) – maison de Victor Hugo

On dit alors que les premiers signes de son dérangement mental apparaissent. En réalité, elle vit une grave dépression. Sombre, elle ne sort plus, s’installe mécaniquement au piano ou devant son chevalet, absente. Elle ne mange presque rien.

Le 6 décembre 1856, une attaque de nerfs la fait délirer pendant 4 jours et 4 nuits. Elle se rétablie, et se remet au piano, mais écrit de moins en moins dans ses carnets, reste seule enfermée dans sa chambre et ne répond plus aux invitations, elle qui aimait tant courir les bals !

Durant ces 11 années d’exil (11 ans !), de 1852 à 1863, elle se raccroche aux deux seules choses qu’il lui reste : le piano et l’amour passionnel que lui inspire Albert Pinson.

En 1861, lors d’un voyage à Londres, le bel officier lui fait comprendre qu’il n’envisage pas de l’épouser.  Elle lui écrit une lettre qui commence par : « Nous aurions pu être heureux » et se termine par « À notre mariage ou à ma mort ». En effet, Adèle lui donne encore quelques jours pour accepter, menaçant de se suicider s’il ne répond pas. Pinson ne donne aucune nouvelle. Sa mélancolie devient terrible. N’y-t-il donc personne pour la tirer de cet endroit où elle dépérit ?

Sa mère souhaite la faire voyager à Paris pour la distraire, mais Victor oppose un refus catégorique : hors de question que sa famille se dissocie de sa cause en rompant l’exil ! Elle parvient à arracher à Hugo l’autorisation en 1882. Mais Adèle, constamment chaperonnée par sa mère, sait qu’elle doit rentrer à Guernesey. Son père l’attend, réprobateur.

Adèle photographiée par son frère Charles dans les jardins de Hauteville House en 1856 (maison de Victor Hugo)
Adèle photographiée par son frère Charles dans les jardins de Hauteville House en 1856 (maison de Victor Hugo)

La fuite pour retrouver Albert Pinson

Le retour à Guernesey lui devient vite insupportable. Ce fameux jour de 1863, Adèle s’enfuit au Canada à Halifax pour se rapprocher d’Albert Pinson, laissant un billet à son père. Victor a des mots très étranges lorsqu’il constate cette fugue : « Elle me hait ». Comme s’il ne supportait pas l’idée de ne plus avoir sa fille à sa disposition auprès de lui.

Le 17 septembre, Adèle écrit à sa mère pour lui signifier son mariage : « Ma chérie. Je suis mariée. Je suis encore sous l’impression de l’évènement et je t’écris bien vite pour ne pas manquer la poste ». La nouvelle paraît dans le Journal, sous l’instigation de Victor Hugo, tous les amis sont mis au courant. Mais Victor Hugo et Adèle Foucher ne reçoivent pas les documents authentifiant le mariage. Victor avoue : « Le premier souci de ce gendre semble être de se rendre impossible. Soit. Est-il, en effet, mon gendre ? J’en suis réduit à me faire cette question. Son silence dit non ».

François-Victor, le frère préféré d’Adèle, écrit une drôle de lettre  à sa mère lorsqu’il apprend que sa sœur n’est pas mariée : « Brûle soigneusement ceci après l’avoir lu. Adèle nous a trompés comme elle a trompé tout le monde. Le mariage n’est pas fait. Elle l’avoue dans une lettre, spécialement adressée à moi, où elle déclare, en outre, que le mariage, publiquement annoncé, est devenu absolument nécessaire (…) »

Pinson lui-même écrit à Victor Hugo, avouant son étonnement de la nouvelle lue dans les journaux. Il affirme qu’il n’a pas l’intention d’épouser Adèle, et qu’il n’a jamais demandé sa présence auprès de lui en Amérique.

Bientôt, Adèle déménage aux Antilles, à la Barbade. Elle semble toujours courir après l’espoir d’épouser Albert Pinson. Elle se remet pourtant à écrire à sa famille… Sa mère meurt le 27 août 1868 d’une congestion cérébrale sans avoir revu sa fille. On commence à parler de la folie d’Adèle.

Dans une lettre, étrangement disparue, et adressée à Victor Hugo, le Consul de France à la Barbade avoue : « Il y a une folle ici qui se dit votre fille ». On l’aurait vue hagarde, errant comme une âme en peine dans des tenues indignes de sa personne, les cheveux ébouriffés, incapable de se prendre en charge, en ayant oublié jusqu’aux plus élémentaires gestes d’hygiène corporelle.

Victor Hugo écrit à son fils François-Victor : « Qu’elle revienne, et en même temps que mon cœur s’épanouira, mes bras s’ouvriront ». Son retour est la condition. En attendant, il se mure dans le silence, ne répond à aucune de ses lettres et interdit à ses frères de faire le voyage pour aller la voir.

Adèle Hugo à Guernesey en 1862 photographiée par Edmond Bacot (maison de Victor Hugo, détail)
Adèle Hugo à Guernesey en 1862 photographiée par Edmond Bacot (maison de Victor Hugo, détail)

Le retour et l’internement de la fille de Victor Hugo

En 1870, Albert Pinson épouse Catherine Edith Roxburgh et quitte l’armée. Les Hugo sont persuadés qu’Adèle va revenir. Elle ne rentre que beaucoup plus tard, en février 1872, par bateau à vapeur à Saint-Nazaire. Hugo affirme qu’elle ne reconnaît plus ses frères, et la place immédiatement en maison de santé, chez Madame Rivet à Saint-Mandé, près du bois de Vincennes, asile réservé aux femmes. Un internement qui doit rester secret, mais qui est dévoilé en 1882, année qui est aussi celle de la dernière visite de Victor Hugo à sa fille.

Après la mort de Victor Hugo en 1885, Auguste Vacquerie, le premier amant d’Adèle, devient son tuteur et s’empresse de la faire transférer au château de Suresnes, la meilleure maison de santé de la région. Il lui fait affecter un pavillon, lui loue les services de domestiques.

Comment est morte Adèle Hugo ? Son décès, le 21 avril 1915, dans un contexte de guerre mondiale, passe presque inaperçue. Adèle Hugo, dernière survivante parmi ses frères et sœurs, s’éteint donc à 85 ans en déclarant : « Ah, que mon nom est bien lourd à porter ! ». Ses dernières paroles dévoilent la détresse de toute sa vie…

👉 À lire également : Notre-Dame de Paris, le sauvetage en prose de Victor Hugo

Remise en question de la folie d’Adèle Hugo

Isabelle Adjani dans le rôle d'Adèle Hugo pour le film " L'histoire d'Adèle H. " réalisé par François Truffaut en 1975
Isabelle Adjani dans le rôle d’Adèle Hugo pour le film  » L’histoire d’Adèle H.  » réalisé par François Truffaut en 1975
  • La destruction systématique des lettres d’Adèle

La grande majorité des lettres envoyées par Adèle ont disparu. Sur 100 lettres, 7 seulement ont été retrouvées. Et aucune lors de son départ d’Halifax et son installation aux Antilles. Pourtant, à cette période elle écrit souvent, comme l’attestent les textes laissés par son frère François-Victor.

Etrangement, dans une famille qui s’ingénie à conserver le moindre billet échangé, et qui « archive pour la postérité » le moindre brouillon du père, les lettres envoyées par Adèle après sa fuite sont systématiquement et consciencieusement détruites. Les a-t-on fait disparaître pour pouvoir établir la folie d’Adèle sans danger de voir surgir des preuves qu’elle avait toute sa tête ?

Même les rapports médicaux témoignant des évolutions du comportement d’Adèle lors de ses internements successifs ont tous disparu…

  • Le comportement d’Adèle aux Antilles

Aveugle, Victor Hugo s’obstine à voir dans la fuite de sa fille les conséquences d’un « désordre d’esprit absolu ». Qu’en est-il en réalité ? De Halifax elle part pour la Barbade, sans un regret, tout à fait capable de s’organiser entre le paiement des frais de port, les allées et venues entre la Bank of North America et les bureaux de poste.

Aux Antilles, elle mène une vie tout à fait normale et nonchalante. Les lettres envoyées à son frère François-Victor en témoignent : elle va bien, le climat lui plaît, elle attend avec impatience une caisse de vêtements et surtout, ne cesse de solliciter une visite de sa mère. Elle reste aussi très coquette : un jour elle reçoit une robe d’une certaine couleur qui lui plaît, et demande une pièce du même tissu pour s’en faire un foulard assorti.

  • Une volonté évidente d’enterrer la mémoire d’Adèle

Hugo parle chez sa fille de maladie, d’égarement. La vérité est que l’indépendance recherchée par Adèle lui est insupportable.

Le roi des romantiques pouvait admettre une attitude dictée par la folie, il ne pouvait tolérer ni même concevoir que sa fille se soustraie volontairement à son emprise.

Alors il efface sa mémoire, qui salit la réputation de la famille, il « l’enterre vivante » là où elle a eu la mauvaise idée d’aller s’exiler. Sinon pourquoi Victor Hugo, qui rendait souvent visite à son frère malade, refuserait-t-il de prendre le bateau pour aller voir Adèle ? Et interdirait de faire le voyage à ses enfants et à sa femme ? Pourquoi adresserait-il toujours des lettres à ses fils, leur demandant de transmettre ses paroles à Adèle, et jamais à Adèle en personne ? Pourquoi s’obstinerait-il à ne jamais répondre à ses courriers ?

Dans ses carnets, il s’apitoie exagérément sur le sort d’Adèle, sur sa folie, etc. Comme s’il cherchait à s’en convaincre lui-même, et désirait laisser des traces irréfutables pour la postérité.

Son fils François-Victor lui-même, qui se fait l’intermédiaire entre son père et sa sœur, envoie des lettres purement formelles. Il ne pose aucune question sur les activités d’Adèle, son emploi du temps, et se contente de lui envoyer les subsides dont elle a besoin. Point final. On ne veut rien savoir de plus.

  • Les lettres d’Albert Pinson

Il nous reste des lettres d’Albert Pinson destinées à Adèle. Il se montre étonnement tendre avec la jeune femme. Il la rassure, lui raconte des anecdotes, prend de ses nouvelles et lui donne des conseils, s’inquiète notamment des effets que le climat des Antilles pourrait avoir sur sa santé, l’enjoint de retrouver les siens. Continuerait-il à entretenir une correspondance avec elle s’il la savait folle ? N’aurait-il pas au contraire coupé définitivement les ponts ?

  • Les témoignages des contemporains

Ceux qui ont vu Adèle dans ses maisons de santé ne relèvent aucun comportement anormal au point de pouvoir parler de folie. Un reporter au Figaro, Camille Cincholle, écrit en découvrant Adèle à Saint-Mandé :

Adèle Hugo se porte bien, elle raisonne correctement, s’entend parfaitement avec ses camarades, se souvient de tout, mais elle a parfois d’étranges comportements.

Et ainsi de souligner par exemple qu’elle fourre tout ce qu’elle trouve dans ses poches et aime particulièrement les cailloux : pendant 1 mois elle enlève un à un les cailloux d’une longue allée puis les remet en place dans une autre. Est-ce suffisant pour la taxer de folie ? Cette jeune fille perturbée, qui doit s’ennuyer à mourir, se trouve des occupations. Heureusement, on lui apporte un piano qui lui permet de continuer à composer ! Pourquoi Victor a-t-il fait interner sa fille dont il aurait très bien pu s’occuper ?

Jean Hugo, petit-fils de Charles, le second frère d’Adèle, a rendu visite à sa grande tante, ce qui lui a inspiré quelques lignes inédites :

Quand mon père lui rendait visite, elle confondait les générations et le prenait pour Charles Hugo, son frère. Elle ne donnait guère d’autres signes de déraison. Elle allait souvent au concert, avec sa dame de compagnie.

Qu’elle confonde les générations n’est guère étonnant pour une femme que l’on garde recluse, qui perd un peu la notion du temps. Encore une fois, est-ce suffisant pour la taxer de folie ? Un cas qui aurait intéressé bien des psychiatres de notre époque, et dont on aurait aimé connaître le verdict… Ils auraient d’ailleurs certainement conclu à des troubles psychosomatiques.

Quoi qu’il en soit, un autre témoignage nous décrit une Adèle de 55 ans, occupant ses journées comme une femme normale : elle lit, elle jardine, elle se promène, elle écoute des opéras…

Adèle Hugo, folle ? Nous ne saurons jamais le fin mot de l’histoire. Ce fut une femme troublée et angoissée, victime de ses passions, car perturbée par une enfance et une jeunesse malsaines. Victor Hugo en porte une écrasante responsabilité, il faut bien le reconnaître. Elle était belle, elle était jeune, elle voulait vivre libre, et son père ne l’a sans doute pas supporté…

Sources

♦ Victor Hugo de Henri Gourdin

♦ Victor Hugo de Henri Pigaillem

Victor Hugo de Alain Decaux

♦ Exposition « Les Hugo, une famille d’artistes » (maison de Victor Hugo, Paris)

Cet article a 44 commentaires

  1. Benjamin Warlop

    Merci pour cette belle réhabilitation d’Adèle Hugo !
    Elle me touche énormément grâce au film de Truffaut et son interprétation sublime par Isabelle Adjani. Mais cet article dénonce l’égoïsme du grand écrivain qui voulait régner sur le Romantisme au point d’enterrer vivante sa fille cadette (quand l’aînée était morte noyée, devenant un mythe familial éprouvant pour la jeune Adèle). Victor Hugo que l’on connaît pour son engagement intellectuel et politique se révèle là monstrueux pour sa famille qui doit être à l’image qu’il veut donner de lui.

    1. Plume d'histoire

      Une autre facette du génie… Cette Adèle Hugo aurait pu avoir une vie merveilleuse, son père en a décidé autrement !

  2. Angueloff

    Cet article condamne et juge bien vite « le père ». Ce que l’auteur de cet article omet, c’est que Victor Hugo et son épouse perdent leur premier fils, Léopold, seulement quelques mois après sa naissance. Un ravage pour des parents maintenant désenfantés. Léopold (qui porte l’un des prénom du père de Victor Hugo) meurt seulement quelques années après la mort de la mère de Victor H. 2 ans après me semble-t-il.
    L’emprise du père Hugo décrite dans cet article accusateur mériterait une revue des faits un peu plus minutieuse. Et la lecture qui en découle n’est donc pas la même. La psychologisation de cet article ne me plait pas, les mots en gras, qui font de l’effet, ne me plaisent pas non plus.
    Quant on s’attaque à des monuments de notre histoire, nous nous devons de le faire avec respect et précision.

    1. Plume d'histoire

      La perte de ses enfants est une chose tragique qui affecte en effet chaque être humain. Cependant, cela ne justifie pas l’isolement total dans lequel Victor Hugo a maintenu Adèle pendant de longues années. Il faut aussi accepter que les monuments de notre Histoire possède des facette moins glorieuses. Cela les rend plus humains, aussi.
      Par ailleurs, je ne prétends pas que mes articles plaisent à tout le monde, cependant je m’appuie toujours sur des sources multiples afin de présenter des informations qui offrent une vision nouvelle ou qui restaurent la vérité sur certains faits 🙂

      1. Noisette 27

        Je vous suis complètement Plume d’histoire. De grand écrivains ne furent pas tjrs de bons pères ou mères c’est Hugo, ceux sont Sand et Colette avec leurs filles. Cela n’enlève en rien de leurs génies littéraires, mais en tant que parents ils ne furent pas évidents avec leurs progénitures. Mais c’est encore cela à notre époque via les acteurs actrices célèbres, ou bien chanteurs chanteuses et autres célébrités. Il n’est pas évident d’être le fils ou la fille de.. moi j’ai bien aimé votre article, car il révèle bien des faits exacts sur Adèle, qui sont reconnus par des historiens, cela n’attaque pas l’écrivain dans son art…bel article. Merci Plume d’histoire.

        1. Plume d'histoire

          Merci :):)

  3. Abbaoui Laurence

    L’égoïsme de Victor Hugo est flagrant et Adèle n’en a pas été la seule victime. Il faut lire la correspondance avec Juliette Drouot qui l’a attendu toute sa vie sans avoir la moindre vie sociale. D’un autre côté, il ne voulait certainement pas perdre sa 2eme fille et l’a gardée précieusement quitte à la perdre affectivement.

    1. Plume d'histoire

      Très égoïste avec les femmes effectivement… Je me demande s’il s’en rendait compte ou non.

  4. noisette27

    Bonjour Plume d’histoire, j’ai découvert hier votre blog, très instructif et très complet. Je connais bien l’histoire de Adèle Hugo fille, qui tout à fait fut sacrifiée par son père. Certes c’est un monument de notre littérature française,notre Victor Hugo. Mais cela n’empêche pas qu’il faut reconnaître que c’était un homme super égoïste, égocentrique et »cavaleur ». Que cela plaise ou non à ceux ou celles qui le portent « aux nues ». J’ai lu beaucoup de biographies de Victor Hugo, et le point commun chez d’excellents historiens c’est de bien révéler aussi son côté sombre. Comme vous le dites si bien cela le rend plus humain. Etre « filles ou fils de » n’est pas facile; Vous qui aimez tant l’histoire et je vous rejoins complètement, je pense que vous avez peut être eue connaissance de la fille de Colette,Colette de Jouvenel qui fut élevée et très esseulée par une nurse en Corrèze. Sans oublier Solange fille de la grande G.Sand. Concernant Solange énormément critiquée par sa mère qui ne voyait que par son fils. Solange est représentée dans les lettres de sa mère comme un enfant capricieuse elle l’appelait »la grosse Solange » enfant, de quoi être marquée… Je ne sais pas si vous avez lu l’excellent livre d’une personne très discrète Michelle Tricot qui a écrit « Solange fille de GSand » aux éditions « l’harmattan ». Michelle Tricot a eu accès à des archives familiales, grâce à Christiane Sand.Un livre que j’ai dévoré et qui m’a ému aussi. Bien à vous et longue vie à votre blog.Amitiés.

    1. Plume d'histoire

      C’est terrible tous ces enfants sacrifiés à l’ego de la grande figure de la famille ! Je ne connais pas du tout la fille de Colette, et assez peu la fille de G. Sand mais ce sont des personnages qui m’intéressent 🙂

  5. noisette27

    oh oui Plume je vous conseille fortement de lire le livre de Michelle Tricot vous ne serez pas déçu….Bonne soirée.

  6. ghislaine maro

    zaza79 tout à fait d’accord avec avec angeloff…je trouve ce parti pris du grand méchant génie contre la pauvre femme opprimée assez convenu. Hugo était un pater familias typique de son époque. Ni plus ni moins. Le statut et des femmes et des fous au XIXe mérite une meilleure analyse: 2 incontournables « Misèrable et glorieuse:la femme au 19e » d’Aron; »Histoire de la folie » de Foucault

    1. Plume d'histoire

      Il n’est pas question de « grand méchant », il s’agit de regarder cette histoire de folie d’Adèle sous un autre angle, et d’avouer que certains aspects demeurent louches. 🙂

  7. the oldarra

    Cela me rappelle le genre de relation entre Georges Simenon et sa fille Marie-Jo. Des sexualités fortes des génies, des pères présents, omniprésents même mais qui sont sont toxiques.

    1. Plume d'histoire

      Toxique est le bon mot en effet.

  8. Nina

    Sans rentrer dans les considérations ci-dessus, merci beaucoup pour cet article qui me donne une idée d’un personnage féminin qui me touche beaucoup et que j’ai choisi de représenter dans un spectacle musical sur les femmes .

  9. Sandra

    Je suis pas toujours d accord avec l article on peut avoir des troubles de la personnalité (évident pour Adèle h) et avoir a côté une vie presque normal, j ai connu une Amie bipolaire, ça se voyait pas tout le temps, je la trouver des fois bizarre mais comme d autre personne sont parfois bizarre sans penser à une maladie mental.
    Que les troubles d Adèle on une raison dans son enfance sûrement mais dire qu’il y avait pas de la folie chez Adèle là je suis pas d accord.

  10. Catherine Memarian

    Un destin que l’on pourrait rapprocher de celui de Camille Claudel…
    Le comportement de la famille et en particulier de Paul Claudel vis-à-vis de cette artiste d’un indéniable génie, additionné à celui de Rodin, a été monstrueux à de nombreux égards. Triste condition féminine à ces époques où seuls les talents masculins étaient pleinement reconnus.
    L’enfermement de Camille dans un asile psychiatrique, où elle mourut de faim pendant la 1ère guerre mondiale, ne peut que révolter.

    1. Plume d'histoire

      Je trouve que c’est encore bien pire pour la pauvre Camille…

  11. adelegenestar

    Hauteville House maison perdue en haut d’une falaise? L’avez-vous déjà visitée?
    Pour y avoir travaillé je peux vous assurer qu’il n’en est rien. C’est une maison cossue avec un beau jardin entouré de murs. Les fenêtres donnent sur la rue ou, côté jardin, sur une vue plus dégagée qui permet d’embrasser le port, la ville, la mer et l’ile de Herm située juste en face. La maison est située dans une rue calme qui reliée directement au centre névralgique de l’ile : Saint Peter Port.
    Je me doute bien que la vie sociale était moins dynamique qu’à Paris, mais l’endroit n’a rien de sinistre et désolé comme vous semblez le décrire.

    1. Plume d'histoire

      Non je n’ai pas visité la maison, j’aimerais d’ailleurs beaucoup ! Cependant je me suis renseignée. L’activité dans la ville à cette époque n’est pas la même qu’aujourd’hui : beaucoup moins cosmopolite et dynamique. L’intérieur de la maison est un pur produit Victor Hugo : nulle place n’est faite à ses proches dans le choix de quoi que ce soit. En outre, la jeune fille qu’est Adèle n’avait aucune envie d’aller s’enterrer là-bas. Le calme, la quiétude et la beauté du paysage, une vie de contemplation dans l’ombre de son père… Ce n’était pas forcément ce qu’elle recherchait à ce moment là, et la maison a pu lui paraître sinistre en effet !

  12. Piqueras

    Eh bien je connaissais la légende sur la folie d ‘Adèle, mais j’ en apprends davantage sur le caractère de ce grand Victor Hugo
    Désagréable surprise et une opinion quelque peu changée a propos de cet homme qui a tant ecrit. Dommage qu ‘ il n’ ait pas su dominer son ego . Mai il reste l ‘ ecrivain de son siecle .Merci encore pour cette lecture.

  13. vitorigo

    Etrange article en effet où l’on présente Hugo comme un monstre (signé Gourdin, qui n’en est pas à une monstruosité près pour faire « l’intéressant »). Son frère Eugène a également été interné, le soir du mariage de Victor (est-ce la faute de Victor ?). Il y avait sans doute des « gênes de la folie » dans la famille Hugo.
    Hugo s’occupait de ses enfants mieux que personne (voir Charles qui a le choléra etc), comme il a veillé sa mère malade, ou soigné Juliette.
    Hugo recevait beaucoup de monde à Hauteville House ; c’était loin d’être un désert.
    Il est vrai que ses enfants et sa femme n’aimaient pas l’exil ; Guernesey n’était pas Paris. Ils sont partis souvent et Charles a vécu plusieurs années à Bruxelles, et épousé une jeune femme belge.
    C’est malheureux de dépendre de son père ; mais pourquoi à trente ou quarante ans ne peut-on pas travailler ?
    En France on aime bien cracher sur nos grands personnages et encenser nos expatriés fiscaux

    1. Plume d'histoire

      Je ne cherche pas à prouver que Victor Hugo était un monstre (ce n’est pas le cas) mais à montrer cette face cachée du grand homme, dont je ne conteste d’ailleurs pas du tout le génie, et à soulever des interrogations : certains détails sont réellement troublants et appellent la remise en question de l’affirmation « Adèle était folle ».

    1. Plume d'histoire

      Oui c’est très juste !! 😀

  14. MURAT

    Bien triste pour Adèle, il semblerait que Victor Hugo menait tout le monde à la « baguette » !! Un petit côté pervers/narcissique à mon avis ! Je suis psy et en effet, si Adèle avait vécu plus tard, elle n’aurait certainement pas été internée ! Une jeune et belle jeune fille, pleine de vie, condamnée à supporter l’isolement et vivre recluse entre sa mère et son père, tout ça parce que tout le monde devait subir le même sort que son père, c’est un comportement totalement possessif et égoïste de la part du père ! C’est lui qui aurait dû être suivi psychologiquement ! J’admire l’homme en tant qu’auteur, il a écrit des oeuvres merveilleuses, mais sa personnalité est à contrario très décevante !!! Oui j’avoue être déçue !

    1. Plume d'histoire

      Chaque homme a sa part d’ombre !

  15. Terrier

    Affligeant. Cette histoire me fait penser à celle de mon frère. Écrasé par l’autoriTé tyrannique paternelle il a, lui, mis un terme à son couple de plusieurs années pour ne pas avoir à livrer sa compagne au jugement du père ( comme Cezannes!). Il a alors sombré totalement ds une dépression cachée et sûrement déniée. Comme Adèle qui ramassait ses cailloux, mon frère a commencé à tamiser inlassablement les graviers de la terrasse pour «  les dépoussiérer ». Son mal-être devenant insupportable, il a été interné en psychiatrie et diagnostiqué bi-polaire grave. Peut-être comme l’aurairait été Adèle aujourd’hui (?). Les grimaces et turpitudes de l’être humain hélas éternellement recommencées, génération après génération….

  16. Gilbert Camille DOPPIA

    Je trouve votre analyse passionnante : vous y décrivez bien l’ego démesuré du grand homme et sa façon de mettre son verbe et son autorité dans la balance de la postérité pour se disculper de toute responsabilité.
    D’ailleurs on n’ose jamais dire qu’il y a des boursouflures et beaucoup de théâtralité et dans l’oeuvre et dans la vie de cet homme, certes génial mais aussi poseur.
    Elle voulait vivre une vie de femme, pas de personnage dans la vie de son père.

    1. Plume d'histoire

      Il est souvent intéressant de rappeler les zones d’ombre de nos grands personnages comme de souligner les qualités de ceux qui sont incessamment critiqués 🙂

  17. Béatrice Schmitt

    Passionnant et très bien écrit

    1. Plume d'histoire

      Merci !!

  18. Seguin

    Magnifique. Merci!

    1. Plume d'histoire

      Merci

  19. Ousmane Ongoïba

    Wahou c’est ma première fois de lire un article concernant une histoire d’Adele, très intéressant.Merci beaucoup pour cette belle histoire.

    1. Plume d'histoire

      Et oui Adèle est une grande oubliée, son destin m’a touchée !

  20. Romanzini

    Bonjour
    Qui se cache derrière plume d’histoire ?
    Je suis curieux

    1. Plume d'histoire

      Une jeune femme de 27 ans, Marie Petitot !

  21. Histoire de Plume

    Victor Hugo a écrit de beaux textes, il serait l’homme sans coeur, il n’aurait pas eu le coeur d’écrire de telles oeuvres, de plus sa fille Adèle a eu l’argent pour vivre son indépendance

    1. Plume d'histoire

      Beaucoup de poètes ont écrit des merveilles mais étaient aussi très imbus d’eux-même et assez égoïstes ! Je n’en fais pas une généralité mais l’un n’empêche pas l’autre

  22. maneau12

    Bonjour. Article très intéressant.
    Mais comme il faut toujours un.e obsédé.e de l’orthographe dans les parages, je vous signale : elle se « rétabliE », qui ne me semble pas correct.
    Par ailleurs, au début de l’article, plusieurs paragraphes se répètent, l’avez-vous remarqué ?
    Merci pour vos histoires, argumentés et passionnantes.

  23. Lec

    Bonjour,

    Ne parvenant pas à me joindre aux commentaires rejoignant mon avis, ni à écrire le mien, tout à fait indépendamment d’un autre, me voici ici.

    Et ce sera très court.

    Ceci est diffamatoire.
    De plus, égoïste ?! L’égocentrisme, certainement. Mais pas de cela chez Victor !! Cet humaniste, cet engagé.
    Et s’il a pu être mégalomane, ce n’était que pour améliorer l’âme des hommes.

    Que ce soit au travers de ses livres, de ses rédactions politiques, de ses actions concrètes.

    Porter ce nom, en effet, doit être lourd.
    Mais cela n’appartient qu’à Adèle. On n’oserait argumenter cela.

    Votre article aurait pu citer des faits historiques sans sur-interpréter (ou alors en offrant une pluralité de possibilités, et ce, en indiquant qu’il s’agit là de votre propre conclusion personnelle) , sans diffamer.

    Dans cet article, vous ne depoussierez pas, vous refaites l’histoire.

    Navrée, je vous condamne. Je me le suis permis puisque vous avez condamné, vous même, un grand homme.

    Portez vous bien et revoyez votre façon de dépoussiérer l’histoire, s’il vous plaît. Car vous semble avoir la passion et le talent pour améliorer cela.

    Ensuite, bien entendu, cela n’est que mon avis très personnel.

    J’avais dis court…

    Littérairement.
    S. L

    1. Plume d'histoire

      Je ne critique ni ses livres, ni ses rédactions politiques, ni ses actions concrètes. C’est terrible comme on ne supporte pas que nos grands hommes aient le moindre défaut. La moindre critique indirecte, simplement pour remettre en lumière certaines personnes restées dans son ombre tragiquement, devient une réécriture de l’histoire !

Laissez un commentaire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.