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L’Assemblée des dieux : la famille de Louis XIV, par Jean Nocret

L'Assemblée des dieux par Jean Nocret
L’Assemblée des dieux par Jean Nocret

Contexte

En 1670, à Saint-Cloud, dans l’antichambre de Monsieur, un tableau où, sous un dessein allégorique, il y a une assemblée des dieux où est représentée la famille royale au nombre de dix-huit figures, chacune grande comme nature.

   Premier peintre de Philippe d’Orléans, le frère du Roi, dit Monsieur, Jean Nocret réalisa à sa demande de nombreux portraits, et de multiples décors peints destinés à orner les châteaux de Fontainebleau et de Saint-Cloud. Cette dernière demeure était la favorite de Monsieur, et c’est donc dans le fabuleux château de Philippe d’Orléans que cette huile sur toile monumentale, l’Assemblée des dieux, a été réalisée par le peintre en 1670.

   Les divinités mythologiques et les héros de l’Antiquité étaient forts à la mode à cette époque, et ce depuis la Renaissance. Athénaïs de Montespan, la flamboyante maîtresse du Roi, ne baptisera-t-elle pas bientôt trois de ses enfants avec le Roi, Louis-Alexandre, Louis-César, et Louis-Auguste ? Le Roi-Soleil lui-même se servira de plus en plus de représentations mythologiques pour glorifier son règne.

   L’Assemblée des Dieux représente Louis XIV et sa famille sous les traits des divinités de l’Olympe. C’est une peinture admirable, unique en son genre, véritable glorification de la lignée des Bourbons. La distribution des couleurs primaires choisies par Jean Nocret, qui équilibre la composition et contribue à l’harmonie de l’œuvre, n’est pas un hasard.

   Si la Reine mère occupe le centre du tableau, si les deux frères sont assis dans une position presque identique, chacun entouré de leurs proches, la symétrie s’arrête là. La concentration de couleurs chaudes dans l’espace occupé par le monarque, sa surélévation sur un trône rehaussé par une estrade de marbre… Tout est pensé pour attirer le regard sur la personne de Louis XIV et traduire la différence de rang, bien réelle, entre le monarque et son frère.

Comprendre le tableau : description

Détail de l'Assemblée des dieux, par Jean Nocret
Détail de l’Assemblée des dieux, par Jean Nocret

   Louis XIV, sa femme et ses enfants forment un triangle cohérent au sein du tableau. Bien en évidence, Louis XIV incarne Jupiter, le Dieu de tous les Dieux. Coiffé des lauriers d’Apollon et du sceptre, attribut du commandement, il est vêtu de drap d’or.

Détails de l'Assemblée des dieux, par Jean Nocret
Détails de l’Assemblée des dieux, par Jean Nocret

   Légèrement en dessous du souverain, son épouse la Reine Marie-Thérèse d’Espagne est représentée en Junon, déesse des femmes et de l’enfantement. On retrouve le paon, l’animal fétiche de la déesse. Elle est entourée de ses enfants, qui figurent les Amours, compagnons de Vénus :

Le Dauphin, Louis de France, dit plus tard Monseigneur ou le Grand Dauphin, qui lui tient la main, blond comme sa mère est couronné de lauriers à l’image de son père. Il ne règnera jamais puisqu’il meurt en 1711, quatre ans avant son auguste père Louis XIV.

Marie-Thérèse dite la petite Madame (pour ne pas la confondre avec Madame, épouse du frère de Louis XIV) assise à ses pieds, jouant avec une guirlande de fleurs. Elle ne passe pas sa sixième année et décède en 1672.

Philippe, duc d’Anjou, décède à l’âge de deux ans en 1671.

   Deux filles du couple royal, Marie-Anne et Anne-Elisabeth, mortes elles aussi en bas âge, sont représentées dans le tableau tout en bas, iconographie souvent utilisée pour évoquer les défunts.

   A la gauche immédiate du Roi est peinte la Reine mère, Anne d’Autriche, pourtant disparue en 1666 avant l’achèvement de l’œuvre mais essentielle à la mythique royale et à l’organisation du tableau, car elle permet de faire le lien, visuellement et généalogiquement, entre les deux frères. Elle est Cybèle, figure maternelle par excellence puisque mère de tous les dieux, et tient le globe terrestre, symbole de son influence politique durant la Régence.

Détail de l'Assemblée des dieux, par Jean Nocret
Détail de l’Assemblée des dieux, par Jean Nocret

   Le frère du monarque et sa famille forment un autre groupe dans la partie gauche du tableau. Philippe d’Orléans est assis dans une position similaire à celle de son frère, mais semble un reflet un peu plus pâle, un peu moins assuré que son aîné. Il est représenté en étoile du matin, une version plus fragile du Dieu Soleil.

   Debout à sa droite, Madame, née Henriette-Anne, princesse d’Angleterre, figure Flora, la déesse du printemps, des fleurs dans les mains et piquées sur sa chevelure. De manière assez réaliste, celle qui est la véritable reine des divertissements de Cour est représentée svelte, vive, élancée et gracieuse. A cette date, malheureusement, elle n’en a plus pour longtemps à vivre, et Bossuet ne tardera pas à prononcer son oraison funèbre…

   Entre le couple se trouve leur fille Marie-Louise, future Reine d’Espagne, sous les traits de Zéphyr, une des personnalisations du vent.

Détail de l'Assemblée des dieux par Jean Nocret
Détail de l’Assemblée des dieux par Jean Nocret

   Les deux Amours en premier plan sont deux autres enfants de Philippe d’Orléans et d’Henriette-Anne d’Angleterre. Anne-Marie d’Orléans, future duchesse de Savoie, et Philippe-Charles d’Orléans, mort en 1666, quatre ans avant la réalisation de ce tableau (voilà qui explique certainement pourquoi son visage est détourné). Ils jouent avec une lyre, l’attribut d’Apollon donc de Louis XIV.

Détails de l'Assemblée des dieux par Jean Nocret
Détails de l’Assemblée des dieux par Jean Nocret

   A l’extrémité gauche est représentée la mère de Madame la duchesse d’Orléans : la Reine mère d’Angleterre, Henriette-Marie de France. Veuve de Charles Ier d’Angleterre décapité sous la révolution anglaise, elle est la tante de Louis XIV. Cette fille d’Henri IV a pris une place importante à la Cour de France après avoir fui l’Angleterre et la guerre civile, ce qui explique sa présence posthume sur le tableau (elle était morte depuis un an). Elle est représentée en Amphitrite, portant le sceptre de Neptune, Roi des océans, et une branche de corail qui symbolise les richesses de la mer. Détail curieux : dépassant de la robe, on aperçoit une patte animale ! Cet élément fait certainement référence à la légende qui veut qu’Amphitrite, pourtant d’humeur égale mais lassée des infidélités de son époux Neptune, se soit vengée sur Scylla, une conquête de son mari, et l’ait changée en monstre à six têtes et à douze pattes.

Détails de l'Assemblée des dieux par Jean Nocret
Détails de l’Assemblée des dieux par Jean Nocret

Enfin, quatre autres personnages marquent le tableau et sa visée politique de glorifier l’ensemble de la descendance directe et légitime d’Henri IV de France, le premier des Bourbons. Derrière le Roi, à droite du tableau, se tient sa cousine Anne-Marie, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle. Cette fille aînée de Gaston d’Orléans, le frère de Louis XIII, qui laissa à la postérité ces fameux Mémoires, est représentée en Diane lunaire, possible allusion à son célibat encore glorieux à cette date.

   A l’arrière plan, au centre, derrière Anne d’Autriche et Louis XIV, les trois demi-sœurs de la Grande Mademoiselle, donc elles aussi filles de Gaston et petites-filles d’Henri IV : Marguerite-Louise d’Orléans, grande-duchesse de Toscane, Elisabeth-Marguerite d’Orléans, duchesse de Guise, et Françoise-Madeleine d’Orléans, duchesse de Savoie. Elles sont peintes sous les traits des trois Grâces, des muses appartenant à la suite d’Apollon.

Sources

♦ Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture : Mémoires inédits, tome 1

♦ Site internet « La marquise et son boudoir » : http://coindemarquise.canalblog.com/

♦ Site des collections du château de Versailles : http://collections.chateauversailles.fr

♦ « Versailles pour les nuls » : http://www.amazon.fr/versaillespourlesnuls

♦ Ressources pédagogiques du château de Versailles http://ressources.chateauversailles.fr

Cet article a 5 commentaires

  1. Athenais

    Détail , Anne d’Autriche est morte en 1666 et non en 1670.

    Je me demandais la patte d’animal aux pieds de Henriette-Marie se ne serait pas plutôt le pied d’un fauteuil sur lequel elle serait assise ? Ton explication sur Scylla est intéressante mais je ne vois ce que ça viendrait faire dans le tableau.
    Sinon merci pour ces explications c’est très enrichissant.

    1. Plume d'histoire

      Merci pour la correction c’est tout à fait exact !! Et c’est une hypothèse, mais il est vrai que ce serait tout de même curieux quand on sait que Charles Ier fut un mari d’une fidélité sans reproche 🙂

  2. Delfosse

    Un tableau glorifiant la monarchie et par delà la lignée et la famille boubonnienne. Chacun a sa place et selon son rang… Et l étiquette… signe de stabilité après les années de fronde. Coup de pub avant l heure.

    1. Plume d'histoire

      Louis XIV le roi de la communication 🙂

  3. Arielle Donnio

    Je pense que Louis XIV est plutôt représenté en Apollon (roi soleil forever …) avec son sceptre surmonté d’un soleil et sa couronne de lauriers, 2 symboles du Dieu du Soleil. Quant à Marie Thérèse en Junon, sachant combien celle-ci a été trompée par Jupiter, c’est assez humoristique n’est-il point ?

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