Henriette-Anne, princesse d’Angleterre, est un personnage qui ne manque d’exercer encore aujourd’hui, et ce malgré sa courte existence, son charme piquant et sa gaieté communicative.
Sa mort prématurée a fait couler beaucoup d’encre, mais il faut aussi s’intéresser à son évolution au cours de ses vingt-six années d’existence. Lorsque la petite princesse insignifiante, celle des années douloureuses, devient duchesse d’Orléans, elle occupe une place privilégiée qui lui permet de prendre sa revanche sur la vie. A la Cour du Roi-Soleil, elle va briller comme aucune autre, éprouvant une santé déjà fragile…
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Une enfance difficile
Les épreuves n’épargnent pas Henriette, et ce dès les plus jeunes années. Petite fille indésirable et dernier enfant de Charles Ier Stuart et d’Henriette-Marie de France (fille de Marie de Médicis et Henri IV), elle naît en 1644 dans un climat de tension extrême entre le Parlement et le couple royal. La guerre civile fait rage. Abandonnée, il faut bien le dire, par sa mère Henriette-Marie qui, au bord de l’épuisement et de la crise de nerf, regagne en bateau sa chère France, elle est élevée pendant deux ans par sa gouvernante. Celle-ci n’hésite pas à entreprendre un voyage risqué pour faire passer la princesse sur le continent avant qu’elle ne tombe entre les mains des parlementaires.
En France, les retrouvailles entre la petite Henriette-Anne et sa mère ne marquent pas pour autant une embellie dans l’existence de la princesse. La mort de son père, décapité en 1649, le décès de sa sœur Elisabeth retenue prisonnière, la détresse de sa mère, la solitude… Un quotidien peu propre à l’épanouissement d’une enfant.
Les années passant, Henriette-Anne ressent cruellement les humiliations que lui doit sa position incertaine. Fille d’une Reine déchue et d’un père décapité, sœur d’un jeune prince qui tente en vain de reconquérir son royaume, elle ne présente aucun intérêt pour les Cours européennes.
L’auteur met bien l’accent sur ces années terribles vécues par la petite, enfermée dans le couvent de Chaillot avec sa mère, qui devient d’une piété intransigeante à mesure que les années passent. Une enfance triste, ponctuée de retrouvailles avec ses frères mais aussi de graves brouilles familiales qui affectent son moral.
Ces années sont primordiales si l’on veut comprendre pourquoi, une fois rétablie dans ses droits, une véritable fureur de vivre s’emparera durablement de toute sa personne, un besoin viscéral de divertissements et de festivités en tout genre.
La métamorphose
Lorsqu’en 1660, son frère Charles parvient à monter sur le trône d’Angleterre sous le nom de Charles II, Henriette-Anne devient soudain un parti de choix. C’est donc Philippe, duc d’Orléans et frère de Louis XIV, qu’elle épouse. L’adolescente chétive s’est d’ailleurs muée en une femme pleine de grâce, et elle attire vite tous les regards dans cette Cour galante.
L’auteur ne manque pas de faire une distinction importante entre la vie à la Cour du temps d’Anne d’Autriche, et la vie à la Cour après sa mort. Louis XIV et son frère, libérés de la tutelle de leur mère qu’ils respectaient, s’adonnent à leurs plaisirs respectifs et à leurs penchants. Pour Louis XIV, c’est la guerre, l’amour et les divertissements… Le deux derniers points de ce programme ont tout pour plaire à la nouvelle duchesse d’Orléans.
La jeune femme se jette à corps perdu dans tous les plaisirs. Svelte et hardie, elle monte à ravir (…). Elle participe aux chasses parmi une troupe d’admirateurs, aux promenades en calèche, l’après-midi, le soir. Elle se baigne, danse, applaudit aux comédies, se promène en gondole sur le grand canal, déploie une séduction juvénile et fougueuse aux yeux stupéfaits de Louis.
Car oui, le Roi en personne n’est pas insensible au charme ravageur de sa belle-sœur, qui est loin d’être une vraie beauté, mais qui conquiert tous les cœurs. Elle est toujours la partenaire privilégiée de Louis XIV dans les ballets de Cour, au détriment des favorites et de la Reine Marie-Thérèse, et peut faire l’étalage de ses talents et de ses grâces unanimement salués.
L’auteur s’attarde sur cette relation complexe qui lie Louis XIV et Henriette-Anne. Nous ne saurons jamais s’ils ont été amants, notamment durant le premier été qu’ils passent ensemble à Fontainebleau où Henriette-Anne est véritablement l’ornement de la Cour, mais il est certain que le Roi ressentit, pendant un temps du moins, une furieuse passion pour sa belle-sœur. Et toujours, il lui témoignera une amitié profonde bien que légèrement égoïste. Mais le Roi-Soleil n’était-il pas égoïste avec toutes les femmes ?
Reine de la Cour
Jacqueline Duchêne redore à juste titre l’image d’Henriette-Anne, que certains historiens se bornent à voir comme une jeune femme étourdie de plaisirs. Incontestablement, Henriette-Anne raffole de la vie de Cour et ses divertissements. Mais elle possède aussi beaucoup d’esprit, comme en témoignent les rares lettres d’elle à son frère Charles II qui ont été conservées. Elle tient, bien avant la Montespan qui l’a malheureusement éclipsée dans l’Histoire, un rôle extrêmement important de mécène, celui d’une femme de goût, intelligente et passionnée.
Mme de La Fayette ne fait-elle pas partie de ses meilleures amies ? Bussy Rabutin, qui n’épargne pourtant aucun courtisan de ses sarcasmes, ne voue-t-il pas une admiration sans borne à Henriette-Anne ? Ne protège-t-elle pas Molière et Racine ? Le charme, l’élégance, le bon goût et l’esprit, durant 8 ans, c’est elle. Ce n’est qu’après sa mort que Mme de Montespan prendra sa place et deviendra la Reine des plaisirs de Versailles.
L’auteur ne manque pas de nous conter les intrigues de Cour inévitables, amoureuses ou politiques, dans lesquelles une si belle et insouciante jeune femme ne pouvait manquer de se laisser entrainer…
Minette
L’auteur insiste particulièrement sur la relation privilégiée entre Henriette-Anne et son frère aîné, le Roi Charles II. C’est véritablement la fusion d’un frère et d’une sœur. Cet amour fraternel durera jusqu’à la mort d’Henriette-Anne.
C’est aussi l’occasion pour Jacqueline Duchêne de restituer à Henriette-Anne toute son importance dans les relations diplomatiques entre Louis XIV et Charles II. Le souverain britannique se confie à sa sœur chérie, qu’il surnomme affectueusement « Minette », et lui fait clairement sentir dans la majorité de ses lettres qu’elle est son intermédiaire entre lui et le monarque français.
Il est particulièrement dommage que la plupart des lettres de la jeune femme à son frère soient perdues, car les quelques unes qui sont parvenues jusqu’à nous témoignent d’un réel esprit politique et diplomatique, d’une capacité d’analyse des situations assez remarquable. Des lettres également riches en confidences, sur sa vie de tous les jours, au grand frère adoré qui ne se lasse jamais des détails.
Cette relation avec son frère est aussi une source d’angoisse, lorsque la guerre éclate entre ses deux patries. C’est elle qui souffre, c’est elle qui tremble, et les effets sont désastreux pour sa santé. Fièvres, fausses couches, migraines… Et elle n’avait vraiment pas besoin de ça !
Une santé chancelante
Henriette-Anne est d’une santé extrêmement fragile, liée à son enfance chaotique, faite de privations et d’angoisses, durant laquelle on ne s’est pas forcément préoccupé de renforcer sa frêle constitution.
L’auteur donne à Philippe d’Orléans le rôle peu gratifiant mais véridique du mari tyrannique. Si le frère de Louis XIV a des qualités que beaucoup d’historiens lui dénigrent encore, il se montre avec sa femme un personnage méchant et jaloux, accentuant les problèmes de santé d’Henriette-Anna par des scènes de ménages violentes et épuisantes.
Il n’est pas une seule fois dans tout l’ouvrage, fait allusion au comportement d’Henriette en tant que mère. L’auteur insiste sur le caractère éprouvant de ces grossesses à répétitions (huit en huit ans, tout de même..!), qui se soldent le plus souvent pas des fausses couches. Mais rien sur la relation entre Henriette-Anne et ses enfants, particulièrement sa fille aînée.
En revanche, l’auteur insiste sur la vie éreintante menée par cette jeune femme délicate. Rien ne peut l’empêcher de participer aux divertissements de Cour… Jusqu’à la date fatidique de juin 1670, où elle trépasse soudainement après de terribles souffrances. Sa mort à 26 ans, brutale et tragique, a tout pour exciter l’imagination et échauffer les esprits. Empoisonnement ? La rumeur, tenace malgré les précautions prises par Louis XIV, resurgira même après la mort du Roi-Soleil.
C’est que la disparition de cette étoile de la Cour, admirée pour sa grâce et son esprit, fut un choc profond. Jamais Louis XIV ne parut aussi sincèrement affligé d’un décès dans son entourage…! Preuve que le monarque avait gardé pour Henriette-Anne une affection profonde. Un sentiment qui n’avait plus rien à voir avec la passion d’un été à Fontainebleau, mais peut-être plus précieux encore…
Procurez-vous « Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans » par Jacqueline Duchêne !
Points positifs
♥ L’auteur redore l’image d’Henriette-Anna, restitue son influence sur la Cour : ses divertissements, sa vie littéraire et artistique.
♥ Lumière faite sur les relations complexes entre Louis XIV et sa charmante belle-soeur.
♥ Explication convaincante de la « fureur de vivre » d’Henriette-Anna par les vexations et privations subies durant son enfance.
♥ Le recours fréquent aux lettres, témoignages contemporains et Mémoires du temps.
♥ Détailler et redonner toutes son importance à la relation complexe entre la jeune duchesse d’Orléans et son frère le Roi Charles II.
Points négatifs
♠ Très peu d’informations sur le comportement d’Henriette-Anne en tant que mère, ses relations avec ses enfants survivants.
Intéréssant , un personnage complexe que Cette Henriette-Anne … qui on l’oublie sera eclipsée das le coeur du roi par la douce Louise de la Vallière.
Dommage qu’on en sache pas plus sur sa relation envers ses enfants surtout sa fille aînée Marie-Louise ( Anne-Marie avait 1 an à la mort de sa mère donc elles n’ont pas eu le temps de tisser des liens ).
Oui c’est vraiment le point faible (l’unique) de cette biographie 🙂