La Reine Victoria appartient, avec le féroce Henri VIII et sa flamboyante fille la Grande Elisabeth, aux quelques souverains les plus célèbres d’Angleterre.
Si l’ère élisabethaine incarnait l’âge d’or de ce Royaume de Grande-Bretagne, l’ère victorienne en symbolise l’apogée. Mais cette époque mérite-t-elle vraiment le qualificatif de « victorien », synonyme aujourd’hui de puritanisme, de chasteté exacerbée et d’une certaine forme d’austérité ?
Quelle Reine mais surtout quelle femme fut réellement Victoria, celle que l’on surnomme encore « la grand-mère de l’Europe » ? C’est à cette question que se propose de répondre Guy Gauthier.
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De l’héritière à la Reine
Les premiers chapitres sont consacrés à l’exposé de la situation dynastique des Hanovre, extrêmement compliquée, mais l’auteur sait la rendre intelligible à son lecteur. De nombreuses pages sont dévolues à George III et à ses fils, avec lesquels il entretenait des relations exécrables. On le comprend : les princes, nullement à son image, se révélaient aussi dévergondés et excessifs qu’il se montrait fidèle et mesuré. Je n’ai d’ailleurs pas déniché de biographie en français sur George III et sa famille, c’est fort dommage !
J’ai beaucoup apprécié cette première partie. Elle permet de mieux comprendre comment Victoria est devenue, après maints coups du sort, l’unique héritière des Hanovre. Cette mise en contexte est très bien ficelée.
Nous découvrons ensuite l’enfance malheureuse de Victoria. Très tôt privée de père, et frustrée des plaisirs de la vie par une mère autoritaire voire même tyrannique, Victoria n’a pas été une fillette choyée. Il est intéressant de se rendre compte, comme le souligne l’auteur, que la fillette devenue Reine d’Angleterre, épouse d’un mari adoré et mère d’une famille nombreuse, reproduit ce funeste schéma maternel sur ses propres enfants.
Une singulière vie de famille
Victoria ne sera jamais une mère affectueuse, c’est le moins que l’on puisse dire, et l’auteur met bien en évidence le détachement qu’elle manifeste à l’égard de ses enfants. Cette indifférence relative, j’oserais dire hostilité, surprend beaucoup, surtout en comparaison de la vénération qu’elle éprouve pour l’homme avec qui elle les a conçus : le prince Albert de Saxe-Cobourg.
C’est très appréciable, l’auteur s’attarde longuement sur les relations qu’entretiennent Albert et Victoria, et sur le caractère de cette femme expansive, sans concession. Si le coup de foudre de Victoria pour Albert est presque immédiat et ne se démentira jamais, Albert épouse la Reine d’Angleterre par devoir dynastique et pour complaire à son oncle Léopold de Saxe-Cobourg, non par amour. Le caractère trop entier de sa femme l’effraie plus qu’il ne le séduit. Mais Albert, en qui le sens du devoir est profondément ancré, prend très au sérieux son nouveau rôle d’époux de la souveraine. Durant ses vingt ans de mariage avec Victoria, Guy Gauthier insiste particulièrement là-dessus, c’est lui qui gouverne tandis que Victoria, béate d’admiration, se maintient en retrait. L’énergie que dépense Albert pour son pays est remarquable, et l’on ne peut que louer les efforts de cet homme fragile, secret et intellectuel, qui ne parviendra pourtant jamais à fédérer l’opinion autour de sa personne. Albert de Saxe-Cobourg restera Albert de Saxe-Cobourg jusqu’à sa mort. Ce n’est qu’après que l’on louera son implication exceptionnelle dans les affaires de l’Angleterre.
Sa mort, vécue comme un véritable déchirement par Victoria, la plonge dans une dépression qui l’éloigne dangereusement de ses sujets. Elle réagit comme le lui commande son tempérament absolu, avec violence. Ce drame profond la laisse éplorée de nombreuses années, et ne la rapproche pas le moins du monde de ses enfants. Au contraire. Entre elle et son héritier, qu’elle juge inapte à régner, c’est un bras de fer qui s’engage. Il durera presque toute leur vie.
Un portrait plutôt incisif de Victoria
Dans cet ouvrage, la Reine et la femme sont nettement dissociées. Il convient de le noter, si la Reine apparaît comme pourvue d’une autorité toute souveraine, fort consciente de ses devoirs, intelligente, capable d’une ironie et d’un humour mordants, armée d’un sens inné de la justice et capable de sonder le cœur des hommes, la femme en revanche ne se révèle pas tellement sympathique. Capricieuse, parfois dure avec les siens, colérique même, parfois abrupte et cassante dans ses propos, particulièrement obstinée, elle mène la vie dure à son entourage.
La possessivité de Victoria à l’égard de son mari et ses relations conflictuelles avec ses enfants (tout particulièrement le prince de Galles), sont des aspects de son caractère très bien restitués. La jalousie qu’elle manifeste envers sa fille aînée avant qu’elle ne quitte l’Angleterre, la préférée d’Albert, en dit long sur les sentiments que la Reine éprouve à l’égard de ses enfants.
C’est le sang hanovrien qui coule dans ses veines. Elle est sensible à la beauté masculine, se montre peu modeste, très entière et relativement outrancière dans ses jugements (notamment sur les personnes). Ses avis tranchés et catégoriques font sourire en même temps qu’ils agacent. Victoria fut une grande Reine, le doute n’est pas permis. Au lecteur de juger la femme.
Manque parfois d’intimité
Il est dommage que l’on ne suive pas d’un peu plus près le destin de tous ces princes et princesses. Si ce n’est le prince héritier, « Bertie », et la princesse « Vicky », les autres enfants de Victoria et d’Albert sont un peu laissés de côté. L’auteur rappelle de temps à autre que telle fille s’est mariée ou que tel fils est décédé. Il aurait été intéressant d’en savoir un peu plus sur les relations qu’entretenait Victoria avec ses enfants une fois ceux-ci hissés sur leurs prestigieux trônes. Ont-ils alimenté une correspondance épistolaire ? Se sont-ils revus ? Quelle fut leur vie respective ?
Il est compréhensible que l’auteur n’ait pas souhaité s’attarder sur la progéniture de Victoria, celle-ci n’étant pas le sujet principal de la biographie. Mais autre chose m’a tout de même gênée dans ce très bon ouvrage : l’absence quasi totale d’informations concernant le quotidien de la Reine. Recevait-elle des dames ? Quelles étaient ses passions ? A-t-elle lancé des modes ? Comment décorait-elle ses intérieurs ? A-t-elle encouragé l’art et l’architecture ? L’auteur mentionne simplement le bannissement des fêtes somptueuses et des plaisirs après son mariage et encore davantage après la mort de son époux. Mais pour autant, que faisait-elle de ses soirées (mis à part jouer aux échecs avec Albert), à quoi occupait-elle son temps libre ?
La politique
Une large place est dévolue à la politique de colonisation de l’Angleterre. Nous découvrons une Victoria avide de territoires, rêvant d’une hégémonie britannique totale, convoitant le titre d’Impératrice des Indes avec une obstination d’enfant gâtée. Mais le lecteur se rend également compte de l’ascendant pris par l’Angleterre sur les autres pays de l’époque. Véritable grande puissance, maîtresse des mers, elle peut prétendre à tout, et un fort sentiment d’identité nationale est exalté aux quatre coins du royaume. Sentiment qui se manifeste par d’étonnantes explosions de joie et des témoignages de loyauté à la souveraine lors de la célébration de ses 50 ans de règne.
Le rôle du Parlement ainsi que l’importance des Premiers Ministres successifs sont mis en évidence. Tout est bien expliqué par l’auteur. L’évolution des institutions anglaises, qui aurait pu conduire à l’effondrement de la monarchie, l’a au contraire préservée durablement. Le prince Albert n’est pas étranger à cet heureux phénomène. Profitant du culte que lui voue Victoria, il réussit à la convaincre, comme le dit lui-même Guy Gauthier, de « jouer le jeu de l’alternance politique ». Les relations qu’entretient Victoria avec ses Premiers Ministres sont explicités, et montrent à quel point la Reine est sensible à la flatterie, aux louanges envers sa personne et à la souplesse d’esprit.
L’auteur démontre que l’action personnelle de la Reine n’a pas été si étendue. Un Premier ministre (tel Disraeli qu’elle a adoré), qui parvenait à conquérir son cœur et son esprit pouvait facilement s’enorgueillir de tenir les rênes de l’Etat. Mais l’auteur ne néglige par pour autant le rôle primordial joué par la Reine, notamment son désir de rapprochement avec la France de Louis-Philippe puis, et surtout, de Napoléon III pour qui elle éprouve beaucoup d’admiration (voir l’article La Reine Victoria sous le charme de Napoléon III). Il faut en convenir, Victoria réussit l’incroyable en fédérant l’opinion autour d’un régime monarchique fragilisé par la nouvelle structure parlementaire du pays. Et c’est cette symbiose du Parlement et du Peuple autour de la Reine qui conduit à « l’apogée de l’Angleterre ».
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Points positifs
♥ Une première partie, concise, qui introduit admirablement le règne.
♥ Restitution du rôle important joué par le prince Albert dans la conduite des affaires de l’Angleterre et dans l’éducation des princes et princesses.
♥ Une analyse fidèle des actions de la souveraine qu’était Victoria, mais aussi un portrait de la femme, sans concession, et qui semble plus juste.
♥ Une mise en évidence de l’autorité exercée par les Premiers ministres, et des portraits intéressants de ces hommes, forts différents, qui se sont succédés auprès de la souveraine.
Points négatifs
♠ Peu d’informations concernant les enfants du couple royal, exceptés les deux aînés (le prince héritier et sa sœur)
♠ Le quotidien de Victoria est très peu évoqué, l’ouvrage manque par conséquent d’intimité avec le sujet
Hyères 1892 – Séjour de la reine Victoria
Auteur du livre : « Hyères en 1892 – Séjour de la reine Victoria aux Grands Hôtels de Costebelle »,
descendante de la famille propriétaire de ces hôtels, j’apporte là, un témoignage riche et inédit
d’un séjour sur le continent, de la Reine Victoria aux Hôtels de Costebelle, grâce à mon arrière grand-mère.
Les Grands Hôtels de Costebelle, parmi, sinon les premiers palaces de la Côte d’Azur,
offraient le premier golf de 18 trous et la première piscine d’eau douce de ce magnifique littoral naissant.
La reine prolongera son séjour d’une semaine supplémentaire, au lieu de quatre semaines, ce seront cinq semaines passées
aux Grand Hôtel de Costebelle, avec sa nombreuse suite. Les nombreux deuils familiaux l’ont durement éprouvée et
elle profitera de ce séjour pour recevoir une partie de sa nombreuse famille ce qu’elle n’avait eut le loisir de réaliser depuis longtemps. Son séjour est détaillé au jour le jour dans ses habitudes et étayé de nombreuses anecdotes.
La description de l’hôtellerie de luxe y trouve également sa place, avec ses protocoles en vigueur.
Cet ouvrage historique financé par moi-même, à le devoir de faire œuvre utile au plan national,
en laissant des traces inédites sur un pan de l’histoire de cette belle époque.
Martine Peyron
04 67 45 47 92
http://livrereinevictoria.free.fr
Voilà qui est très intéressant, je vous remercie de nous faire partager cet ouvrage !
Je ne suis pas trop d’accord quand il est dit qu’Albert épouse Victoria par devoir, on sait bien qu’ils s’aimaient vraiment ces deux-là, tous les historiens le disent, c’était exceptionnel un couple aussi uni . Et cela n’empêche pas le prince Albert de bien conseillé Victoria et de s’impliquer dans les affaires de l’Etat.
Pourtant la plupart des biographes s’accordent à dire qu’Albert a été certes séduit par Victoria mais que son caractère trop entier lui faisait peur. Il entre une part de devoir dans son mariage, même s’il n’acccepte pas à reculons 🙂