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Série « Les Quatre éléments » : Mesdames de France

Mesdames de France, filles de Louis XV, sous les traits des 4 éléments (Jean-Marc Nattier)ames de France, filles de Louis XV, sous les traits des 4 éléments (Jean-Marc Nattier)
Mesdames de France, filles de Louis XV, sous les traits des 4 éléments (Jean-Marc Nattier)

   

   Quoi qu’on ait affirmé sur la déception de Louis XV lorsque chaque année, sa femme, Marie Leszczynska, donnait naissance à un enfant de sexe féminin, ses filles faisaient la fierté et la joie du souverain. Il chargea à de nombreuses reprises Jean-Marc Nattier de portraiturer Mesdames de France, nommées ainsi à la Cour car tellement nombreuses !

   Cette série, commandée par le Roi en 1750 et terminée un an plus tard, représente les aînées sous les traits des quatre éléments. C’est un modèle du genre « Portrait de Cour allégorique », dans lequel excellait le peintre. La personnalité des filles de Louis XV ainsi que leur haute naissance sont ainsi immortalisées, pour le plus grand plaisir des amateurs d’art et d’histoire.  

La Terre : Elisabeth de France, duchesse de Parme

   Elisabeth, fille aînée de Louis XV, est née en 1727 à Versailles. Elle est représentée comme l’élément « Terre », symbole de fermeté, ce qui convient parfaitement à cette tête politique assez autoritaire, réaliste et habile. Une intelligence certaine compensait chez elle un manque de beauté : des traits assez grossiers, un cou épais ainsi qu’un large nez retroussé la privaient d’élégance, consacrant une physionomie non pas laide mais peu féminine.

Madame Elisabeth de France : La Terre, par Jean-Marc Nattier
Madame Elisabeth de France : La Terre, par Jean-Marc Nattier

   Le paysage retenu par Nattier, peint de couleurs sombres, met en valeur la robe ivoire et la peau diaphane de la princesse.

   En harmonie avec le très riche tissu brun-doré dans lequel elle se drape, le bras gauche d’Elisabeth enveloppe un amoncellement de fruits aux couleurs chaudes. Ils symbolisent sans conteste l’abondance et font certainement référence à la fertilité de la princesse. En effet, elle fut l’unique fille du couple royal à dénicher un époux (Philippe Ier de Parme), à qui elle donna trois enfants, dont deux filles. Ce statut privilégié de mère transparaît donc naturellement dans le portrait. Toutes les autres filles du Roi demeureront célibataires !

   Son bras droit repose sur un globe terrestre, sur lequel apparaît le continent africain, ainsi que la France et l’Espagne. Ce choix n’est pas anodin puisque la France est, bien entendu, son lieu de naissance, sa patrie d’origine. L’Espagne est sa patrie d’adoption, celle de son mari.

   Le fond de la composition représente une campagne, une exploitation agricole et un paysan aiguillonnant un buffle. Peut-être le peintre a-t-il voulu montrer les richesses de la terre à travers l’agriculture ?

Le Feu : Henriette de France

   Henriette, sœur jumelle d’Elisabeth, était la fille préférée de Louis XV, peut-être parce il entretenait avec elle des rapports plus intimes qu’avec ses soeurs, la plupart ayant été élevées à Fontevrault. Jeune fille douce, aimante et réservée, docile et complaisante, très jolie avec ses magnifiques yeux noirs, elle représente ici l’élément « Feu », celui du foyer domestique.

Madame Henriette de France : Le Feu, peint par Nattier
Madame Henriette de France : Le Feu, peint par Nattier

   Sur ce tableau en effet, Henriette personnifie une Vestale. Dans l’Antiquité, les Vestales, jeunes filles vierges choisies parmi les plus nobles familles, symboles de pureté, avaient pour devoir d’entretenir le feu sacré. Celui-ci est bien visible sur le guéridon auquel s’accoude la princesse, faisant office d’autel.

   La robe, de satin blanc aux reflets gris-argentés, assortie au léger voile qui recouvre sa chevelure, rappelle les tourbillons de fumée à sa gauche.

   Tandis que le visage d’Henriette, incliné et méditatif, repose dans l’une de ses mains, l’autre est délicatement posée sur un grand ouvrage fleurdelisé portant le titre « Histoire des Vestales ».

   L’arrière plan représente l’intérieur d’un temple et, dissimulée derrière une colonne, une statue taillée dans le marbre figure la déesse Vesta, accompagnée de ses attributs habituels : le feu et la torche.

L’Air : Adélaïde de France

   Adélaïde, née en 1732, fut la plus caractérielle des filles du couple royal, pourvue d’une trempe exceptionnelle. Fillette turbulente et indocile, elle se transforma en jeune femme déterminée, énergique, passionnée et jalouse. Peu gracieuse, le visage assez viril, les contemporains lui reconnaissaient néanmoins de très beaux yeux.

Madame Adélaïde : L'Air, peint par Nattier
Madame Adélaïde : L’Air, peint par Nattier

   Symbolisant « L’air » à travers la déesse Junon, Adélaïde est la seule des princesses a avoir été portraiturée de dos, la tête tournée de trois-quarts, de sorte que son visage fixant le spectateur est davantage mis en valeur.

   Portée par un nuage qui semble en mouvement, témoin de l’incroyable énergie de la princesse, Adélaïde retient de sa main droite une étoffe bleu-ciel, comme-ci celle-ci menaçait de lui échapper, emportée par le vent. De l’autre, elle pince délicatement entre ses doigts un ruban rose relié au cou d’un paon, l’animal préféré de la déesse Junon.

   Selon la légende antique, Junon engagea son gardien Héros, pourvu de cent yeux, pour espionner Zeus, qu’elle soupçonnait d’infidélité, non sans raison. Malheureusement, Zeus découvrit la supercherie et fit tuer Argos. En hommage à Argos, Junon plaça elle-même les yeux de son fidèle compagnon sur la queue de son animal fétiche… le paon.

   A l’arrière-plan du tableau, on aperçoit un arc-en-ciel, discret, qui traverse les nuages. Un ciel changeant, à l’image d’Adélaïde…

L’Eau : Victoire de France

   Née en 1733, Victoire était réputée pour être la plus belle des filles de Louis XV. Dans sa jeunesse, elle ressemblait beaucoup à son royal père. Sensuelle, le nez et la bouche parfaitement dessinés, bonne, enjouée et piquante, cette princesse possédait un caractère vrai et sincère. Elle représente sur ce portrait de Nattier l’élément « Eau », personnifiant une nymphe.

Madame Victoire de France, L'Eau, peint par Jean-Marc Nattier
Madame Victoire de France, L’Eau, peint par Jean-Marc Nattier

   De la scène peinte par l’artiste, tranquille, calme et aux couleurs d’aquarelle, se dégage un sentiment de sérénité, en parfaite adéquation avec cette princesse sans ambition ni prétention. Lumineuse, coiffée de perles, drapée dans une magnifique étoffe bleu-vert, Victoire appuie nonchalamment son bras gauche sur une jarre d’eau renversée, iconographie classique utilisée pour représenter les fleuves.

   En arrière plan se dressent des roseaux d’un vert tendre et, au loin, un couple de cygnes vogue sur l’eau immobile. La pose même de Victoire, les traits de son visage, respirent la quiétude.

♥ Sources ♥

Inventaires des Tableaux Commandés et Achetés par la Direction des Bâtiments du Roi (1709 – 1792)

♦ Les Reines de France au temps des Bourbons, tome 5 : La Reine et la favorite de Simone Bertière

Mesdames de France Les filles de Louis XV, de Bruno Cortequisse

Cet article a 3 commentaires

    1. Plume d'histoire

      Merci 😉

  1. Les tableaux de Nattier
    répresentant les quatre éléments se trouvent au Museu de Arte de São Paulo, Brésil. Ils ont été achetés d’une famille anglaise.

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