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« Graille », « Néné », « Pimpin » et autres surnoms… princiers !

À partir du XVIIIème siècle, la mode est aux surnoms dans les Cours princières européennes. En veut-on un exemple ? Au sein de la petite société d’intimes que la Reine de France Marie Leszczynska aime à recevoir dans ses appartements, on use de pseudonymes : les courtisans sont « le Fauteuil », « Petit Train », « Cadet », « Papète », « La Poule »… La progéniture royale n’échappe pas à cet engouement pour les petits noms affectueux, parfois ridicules, souvent touchants !

Mesdames de France

Madame Elisabeth, première née des enfants de France, est surnommée « Babette » par Louis XV dès sa naissance en 1727. Babette et sa jumelle Henriette sont ses deux filles préférées. Ce n’est que peu après la mort de son épouse Marie Leszczynska, en 1768, que le souverain affuble ses autres filles de surnoms. C’est une période où le monarque essaie de renouer avec les princesses, qui digèrent mal les infidélités de leur père. Mesdames avaient d’ailleurs inventé un joli sobriquet pour désigner la favorite en titre, Mme de Pompadour : « maman putain » !

  • Adélaïde, née en 1732 : la plus autoritaire (tyrannique même) de la famille devient « Loque », à cause de son peu de féminité et du peu de soin qu’elle apporte à sa toilette. Elle est aussi appelée « Torche » en raison de son caractère un peu brouillon.
  • Victoire, née en 1733 : celle qui ressemble le plus à son père est nommée « Coche »… parce qu’elle montre un embonpoint précoce !
  • Sophie, née en 1734, est baptisée « Graille ». Très élégant. Il s’agit en fait du nom familier de la corneille en ancien français. Cet oiseau est réputé pour être un animal très craintif, difficile à approcher, tout comme la jeune princesse, particulièrement timide.
  • Louise, née en 1737 : la huitième et dernière fille de Louis XV, future Carmélite, reçoit le surnom de « Chiffe »… La raison demeure un mystère !
Adélaïde "faisant des noeuds", peinte par Nattier en 1756 (détail) - château de Versailles
Adélaïde « faisant des noeuds », peinte par Nattier en 1756 (détail) – château de Versailles

La descendance de la Reine Victoria

Victoria, pourtant peu portée sur les joies de la maternité, donne à son époux le prince Albert une ribambelle de princes et princesses. Sur les neuf enfants du couple, tous ont droit à un petit surnom dans la correspondance privée de la famille, excepté le prince Arthur. Les petits-enfants aussi, évidemment !

  • Victoria, née en 1840 : la fille aînée de la Reine est surnommée « Pussy » par ses parents, avant d’être baptisée « Vicky ». Lorsqu’elle épouse Frédéric de Prusse, futur Empereur Frédéric III, ce dernier est aussitôt surnommé « Fritz ». Parmi leurs nombreux enfants, certains ont droit à leurs petits noms : l’héritier Wilhelm (en français, Guillaume) est « Willy », Sigismond « Sigi ».
  • Edouard, prince de Galles et futur Edouard VII, né en 1841 : le prince héritier d’Angleterre sera toujours « Bertie » pour ses proches. Son épouse, la princesse Alexandra de Danemark, est « Alix ». Le premier garçon du couple, Albert-Victor, est surnommé « Eddy », tandis que son frère cadet George, futur George V, sera « Georgie ».
  • Alice, née en 1843 : à la seconde fille de Victoria échoie le surnom étrange de « Fatima » à cause, dit-on, de ses rondeurs ! Sa fille Alix, future Tsarine Alexandra Feodorovna de Russie, est « Alicky », Elisabeth se transforme en « Ella », son fils et héritier Ernest devient « Ernie », et son autre fils Frederic est surnommé « Frittie ».
  • Alfred, né en 1844 : duc d’Edimbourg et officier de la Royal Navy, puis duc de Saxe-Cobourg-Gotta, il est surnommé « Affie » dès ses plus jeunes années. Sa fille Victoria-Melita sera « Ducky », et sa dernière fille Béatrice, « Baby B ».
  • Helene, née en 1846 : la princesse, soeur préférée d’Alfred, devient « Lenchen », un petit nom affectueux dérivé de l’allemand Helenchen, pour la future duchesse de Holstein.
La princesse Helene - Collections de la Reine Elisabeth II
La princesse Helene – Collections de la Reine Elisabeth II
  • Louise, née en 1848 : à sa naissance, la plus jolie des filles de Victoria, celle qui deviendra duchesse d’Argyll, est surnommée « la nouvelle » par ses frères et soeurs. Dans la correspondance privée, elle apparaît sous les pseudonymes « Loo », « Loosy » ou « Looloo ». Elle sera l’unique enfant de Victoria et Albert à n’avoir aucune descendance.
  • Léopold, né en 1853 : très proche de sa soeur Louise, ce prince esthète et cultivé sera toute sa vie surnommé « Léo ».
  • Béatrice, née en 1857 : dernier enfant du couple, la princesse sera longtemps surnommée « Bébé » ou « sweet baby » par sa mère. Un jeu de mot tout à fait révélateur puisque Victoria souhaite la garder auprès d’elle le plus longtemps possible… comme bâton de vieillesse. Mais Béatrice finira par épouser le prince Henri de Battenberg, gendre très apprécié et surnommé « Liko ». Leur fils aîné Alexandre sera « Drino » et leur fille Victoire-Eugénie, future Reine d’Espagne, sera connue sous le nom d’ « Ena ».

Les naissances se succèdent à un rythme effréné dans la famille de la Reine Victoria, si bien que la Reine d’Angleterre se trouve nantie d’une ribambelle de petits-enfants, mais aussi d’arrières-petits-enfants, qui la surnomment « gangan » !

Chez le duc en Bavière

Si leur ménage n’est guère heureux, le duc Maximilien en Bavière, surnommé « Max », et son épouse Ludovica, donnent naissance à une nombreuse progéniture, qui n’échappe pas à la tradition du surnom :

  • Helene, leur fille aînée née en 1834… est « Néné »
  • Elisabeth, future Impératrice d’Autriche, est la célèbre « Sissi »
  • Charles-Théodore, né en 1839, est surnommé « Gackerl » (petit coq).
  • Marie, née en 1841, est parfois appelée « Madi »
  • Mathilde, née en 1843, est baptisée « Spartz » (moineau)
  • Les deux petits derniers, Sophie-Charlotte née en 1847, et Max-Emmanuel né en 1849, sont respectivement « Sopherl » et « Mapperl ». Sophie sera aussi nommée « Elsa », héroïne wagnérienne, par son fiancé Louis II de Bavière…

Même la résidence privilégiée de la famille, le château de Possenhofen, a droit à son surnom : Possi ! Louis-Guillaume, né en 1831, est bien le seul à qui l’on ne connaît pas de diminutif. Faut-il y voir une marque de respect envers le futur chef de famille ?

Sophie-Charlotte, soeur de Sissi
Sophie-Charlotte, soeur de Sissi

La petite famille du tsar Nicolas Ier

Nicolas Ier Romanov, qui succède à son frère Alexandre Ier en 1826, est l’un des rares tsars de Russie à être resté très amoureux de son épouse jusqu’à la fin de sa vie. Leur famille, surtout ses filles qu’il adore, font la consolation de son existence.

  • Charlotte de Prusse, cette épouse tendrement aimée et rebaptisée Alexandra Féodorovna, est affectueusement surnommée « Mouffy » par son mari et ses enfants.
  • Alexandre, futur Alexandre II, leur fils aîné né en 1818, est « Sacha ». Il est marié à la timide et frêle princesse Marie de Hesse-Darmstadt.
  • Marie, fille aînée de Nicolas et Charlotte, née en 1819, est une belle brune longiligne. Elle épouse Maximilien de Beauharnais et se fait appeler « Lily » par son père.
  • La seconde, la blonde Olga née en 1822, épouse du Roi de Wurtemberg Charles Ier, est « Ollie », ou « Kitty ». Elle est la plus cultivée des trois grandes-duchesses.
  • Alexandra, la cadette née en 1825, est baptisée « Adini » ou « Adine ». Son père, qui la préfère à tous ses enfants, l’appelle parfois sa « Petite Chérie ». Lorsqu’elle meurt emportée par la tuberculose à l’âge de dix-neuf ans, le choc est terrible…
  • Constantin, leur second fils aux vues politiques très libérales, né en 1827, est « Coco », « Kostia » ou « Ésope ». Son épouse la princesse Alexandra de Saxe-Alternbourg est surnommée « Sanny »
  • Nicolas, né en 1831, porte le diminutif de « Nizi »

   Seul le dernier fils du tsar, Michel, né en 1832, ne semble pas avoir été gratifié de surnom particulier !

Les grandes-duchesses Olga (à gauche) et Marie (à droite), peintes par Carl Timoleon von Neff (collection particulière)
Les grandes-duchesses Olga (à gauche) et Marie (à droite), peintes par Carl Timoleon von Neff (collection particulière)

La tribu de Louis-Philippe et Marie-Amélie

Le roi de France Louis-Philippe Ier, son épouse Marie-Amélie et leurs dix enfants, battent tous les records de surnoms chez les têtes couronnées ! Dans l’abondante correspondance qui lie les membres de la famille, surtout la mère et ses enfants, on retrouve quantité de petits noms familiers, dont ils usent… et abusent.

  • Louis-Philippe est toujours « le Père ». Son épouse, la Reine Marie-Amélie est souvent nommée « la Reine », ou « Chérissime Majesté ».
  • Ferdinand, duc de Chartes, né en 1810 est « le Beau ». Héritier et espoir de la dynastie, pour sa mère il reste « Mon doyen chéri ».
  • La belle et douce Louise, née en 1812, est « Love » ou « Babonne ». Après son mariage avec Léopold Ier, Roi des Belges, son époux devient « le Léopich ».
  • Marie, née en 1813… reste Marie. Son fils Philippe en revanche, qu’elle laisse orphelin de mère à l’âge de deux ans à peine, est surnommé « Pippon » par la famille qui veille sur lui.
  • Louis, duc de Nemours, né en 1814, est surnommé « Tan » par ses frères et sœurs, et « Mon bon Moumours », ou « Chérissime blondin » par sa mère…!
  • Clémentine, Mademoiselle de Beaujolais puis duchesse de Cobourg, née en 1817 : dans sa jeunesse, elle est « Titine » ou « Tinotte », puis… « la Loupe ». Enfin, on abrège simplement son prénom en « Clem ». Deux de ses cinq enfants sont aussi gratifiés de surnoms : Auguste est « Gusty », et Clothilde est « Clot ».
Le duc de Nemours par Winterhalter (détail) en 1843 - Versailles
Le duc de Nemours par Winterhalter (détail) en 1843 – Versailles
  • François, prince de Joinville, né en 1818 : il est « Hadji » depuis son retour d’une croisière en 1836, au cours de laquelle on lui a ouvert les portes de la mosquée d’Omar à Jérusalem. Après son mariage, il devient « Chico », à l’image de sa toute jeune femme de quinze ans qui, originaire du Brésil, est surnommée « Chica ». Françoise, prénom de leur petite fille, se transformera alors naturellement en « Chiquita » ou… « La chiquette ». En parlant du couple et de son enfant, Louis-Philippe emploie parfois « Mes chiques » ou « Mes bons Joinves »… Quelle élégance !
  • Charles, duc de Penthièvre, né en 1820, est « Pinpin ».
  • Henri, duc d’Aumale, né en 1822 et bientôt propriétaire de Chantilly, est « Mimi » ! Son épouse, la princesse Marie-Auguste-Caroline de Salerne, est surnommée « Lina ». Le fils aîné du couple, Louis, prince de Condé, est « Guégué » pour les intimes. Quant au second, François, duc de Guise, il gratifie son père d’un petit nom affectueux : « Pips ».
  • Enfin Antoine, duc de Montpensier, né en 1824, est « Totone », et plus tard « le Piat ».

Des surnoms parfois saugrenus, mais finalement attendrissants : ils témoignent d’une affection extrême, et de la bonne entente qui règne entre les membres de la famille Orléans. Voilà qui humanise grandement toutes ces têtes couronnées, non ?

Sources

♦ Louis-Philippe et sa famille, de Anne Martin-Fugier

♦ Mesdames de France : Les filles de Louis XV, de Bruno Cortequisse

Les Reines de France au temps des Bourbons : La Reine et la favorite, de Simone Bertière

♦ La Médicis des Cobourg : Clémentine d’Orléans, de Olivier Defrance

♦ Sissi ou la fatalité, de Jean des Cars

♦ La dernière reine, de Béatrix de l’Aulnoit

♦ Les Romanov 1613 – 1918 , de Simon Sebag Montefiore

Cet article a 8 commentaires

    1. Plume d'histoire

      Plume d’Histoire !

  1. anick héry

    merci Marie, vos récits sont passionnants.

    1. Plume d'histoire

      Voilà qui fait plaisir, merci à vous 🙂

  2. Ambeza

    Sympa ,touchant et drôle ..j. Adore tous ces surnoms merci c est un beau travail ….félicitations
    Mimi !!

    1. Plume d'histoire

      Merci 😉

  3. Lusitano

    Petite correction: le prénom de la Princesse de Joinville était Francisca, francisé en Françoise. Elle était née Princesse Impériale du Brésil donc issue de la Maison Royale du Portugal. « Chica » ne doit pas être confondu avec le terme espagnol désignant une petite fille mais il s’agit bien là du diminutif du prénom Francisca, son pendant masculin étant Chico pour Francisco.

    1. Plume d'histoire

      Merci pour ces précisions ! Avouons que c’est une belle coïncidence, et que Louis-Philippe ne se privera pas de franciser ce surnom… pour le meilleur et pour le pire 😉

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