À la Cour de France, la seconde moitié du XVIe siècle consacre un nouveau type de col qui, objet de multiples variations, va faire fureur jusqu’au début du XVIIe siècle : la fraise. Adoptée dans la plupart des pays d’Europe, elle est l’ancêtre de tous les collets, jabots, cravates et cols qui foisonneront au cours des siècles suivants.
1550 : le décolleté est dissimulé
Jusqu’à la fin du règne de François Ier (1515 – 1547) et même au tout début du règne d’Henri II (1547 – 1550) la mode est au col carré qui dévoile généreusement la gorge des femmes, rendant impossible la présence d’un col. Au sein de cette Cour galante où les charmes féminins sont tant vantés, il ne viendrait à l’idée de personne de recouvrir les décolletés !
Peu après l’accession au trône de Catherine de Médicis, sous l’influence des modes flamandes et espagnoles (…) les décolletés vont être recouverts d’une guimpe.
Très vite, on agrémente cette guimpe (c’est-à-dire ce corsage qui remonte) d’un volant apparent et très plissé sur le cou : le ruché. Les hommes aussi portent ce ruché, sur l’encolure de la chemise. Cette mode domine durant tout le règne d’Henri II, donc jusqu’en 1559.
Le portrait ci-dessous figure Marguerite de France, fille de François Ier et Claude de France. Réalisé aux alentours de 1555, il illustre à merveille la mode naissante. Quelques plis remontent sur le cou, dépassant de la guimpe qui recouvre les épaules et le décolleté :
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1560-1570 : naissance de la fraise collerette
À partir des années 1560, sous les règnes des deux premiers fils de Catherine, François II et Charles IX, le ruché s’agrandit pour devenir une collerette. Elle est originairement ouverte sur le devant, mais bientôt elle enserre tout à fait le cou, et les plis se font plus nombreux.
C’est cet accessoire qui porte le nom de « fraise » : des plis de tissu (dentelle) toujours blanc, ordonnés autour du cou selon un rythme régulier, qui forment des tuyaux plus ou moins nombreux et plus ou moins longs au fil des modes. Une mode qui s’étend d’ailleurs à toute l’Europe ! Nous nous concentrerons sur son évolution à la Cour de France.
Les extrémités sont composées d’ondulations rigides en forme de 8 appelées godrons (la fraise est aussi nommée collerette godronnée) dont la largeur varie aussi au fil du temps.
La collerette en éventail
Les années 1560 voient aussi apparaître une variation de la fraise purement féminine, que l’on appelle la collerette en éventail : depuis un décolleté carré, la collerette se dresse derrière les épaules et la nuque. Elle est donc haute et ouverte devant.
À la Cour, Marguerite de Valois contribue à en lancer la mode, surtout sous le règne de son frère Charles IX. Elle est suivie par Louise de Lorraine, sous le règne de son époux Henri III.
Les tableaux illustrant les bals à la cour d’Henri III traduisent bien cette mixité entre « fraises » et « collerettes en éventail ». Ils composent de délicieux témoins de la mode du temps !
La fraise à plateau des années 1580
Sous Henri III, la fraise devient amovible et atteint des summums d’extravagance. Elle prend de telles dimensions (jusqu’à 40cm !) qu’elle évoque une « roue de charrette », nom que lui donneront certains moqueurs. Le visage semble reposer « sur un épais plateau blanc », d’où son nom de « fraise à plateau ».
À l’époque où se répand le portrait individuel, ce fond blanc immaculé met en évidence le visage et transforme chacun en portrait vivant.
Parfois, l’extrémité des godrons (les fameux tuyaux de tissu), est ornée de perles ou décorée de fine dentelle, à la mode anglaise.
Manger avec un tel carcan relève de l’acrobatie. Pour ne pas la salir lors des repas, une serviette se noue autour du cou. Souvent il est impossible d’en joindre les deux bouts. Cette expression est passée dans le langage courant mais avec un sens différent.
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Fraise ouverte et collet monté
À la fin du règne d’Henri III apparaît la fraise ouverte : ouverte sur le devant à la manière d’un col, « les tuyaux s’épanouissent très largement sur les épaules ». Surtout portée par les femmes, elle est encore différente du fameux col en éventail, qui prend de la hauteur, tandis que la fraise ouverte reste relativement à plat !
À la même époque, le collet monté, ou rotonde, fait son apparition : il n’a plus rien à voir avec la fraise. Le col n’est plus plissé, au contraire : le tissu est tendu sur une armature de laiton, véritable ancêtre des cols de chemises d’aujourd’hui. On peut admirer un collet monté sur ce portrait d’Henri III par Etienne Dumonstier.
L’expression « collet monté », qui qualifie toute personne excessivement guindée ou hautaine vient de cette collerette qui obligeait à garder le menton haut et donnait, de ce fait à ceux qui l’adoptaient un air altier, voire prétentieux.
1600 – 1620 : le col Médicis pour les femmes
Sous Henri IV, s’accordant en cela aux goûts simples du nouveau roi de France, puis sous la régence de Marie de Médicis, la fraise retrouve des proportions normales, pour les hommes comme pour les femmes. Le souverain et ses courtisans continuent à suivre la mode des fraises, comme en témoigne par exemple le portrait du duc de Sully.
Si les femmes portent souvent la fraise et le collet, parfois les deux, c’est la collerette en éventail qui va connaître son apogée.
Lorsque Marie de Médicis arrive en France, immortalisée par Rubens dans sa toile « L’arrivée à Marseille », la nouvelle reine porte encore une grande fraise, qui est alors toujours la mode par excellence en Italie : seule une petite parcelle du cou est visible.
Mais elle adopte très vite la collerette en éventail non tuyautée, fin et haut écrin de dentelle qui laisse le décolleté largement découvert. Ce col « qui plaçait tous les charmes comme au fond d’un vaste entonnoir » est alors prisé par les dames françaises.
Marie de Médicis se l’approprie si bien, comme en témoignent ses nombreux portraits d’apparat, que la collerette prend le nom de « col Médicis » : une naturalisation réussie dans le domaine de la mode pour la Florentine !
Dans les représentations figurées, le col Médicis devient alors la principale convention vestimentaire par laquelle un peintre ou un graveur signalent la reine de France au regard de l’observateur.
Louis XIII : abandon de la mode des fraises et du col Médicis
Dans sa jeunesse, sous la régence de sa mère, Louis porte encore de petites fraises. Mais sous son règne personnel, l’usage se perd. A partir de 1630, les fraises disparaissent complètement. Les hommes revêtent désormais des collets brodés de dentelle, puis de souples dentelles qui couvrent largement les épaules.
Les femmes continuent à porter le « col Médicis », à l’image de la Reine Anne d’Autriche, puis cette collerette est remplacée par des cols de fine dentelle, plats et couvrant le décolleté (voir ci-dessous). La mode de la fraise est-elle définitivement terminée ?
Fraises et Chérusques sous le Premier Empire
Pas tout à fait. Elle va connaître une longue période d’abandon au cours du XVIIe puis XVIIIe siècle, avant de refaire son apparition sous le Premier Empire. La fraise est en effet utilisée pour le costume de cour des hommes.
On retrouve aussi sa variation « col Médicis », que l’on nomme à présent la Chérusque, disposée autour du décolleté féminin. Cette très fine collerette de dentelle, soutenue en l’air par des laitons, est le « coup de génie » de l’impératrice Joséphine en matière de mode ! Elle s’associe à merveille à une luxueuse robe-fourreau au décolleté carré.
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Sources
♦ Modes du XVIe siècle sous Catherine de Médicis (collection « Empreintes de mode »)
♦ Histoire de la coquetterie masculine, de Jean-Claude Bologne
♦ Louis XIII, de Jean-Christian Petitfils
♦ Marie de Médicis, la reine dévoilée , de Jean-François Dubost
♦ Dictionnaire de la Mode : les Dictionnaires d’Universalis
♦ Histoires de mode : belles damoiselles, gentes dames, beaux messieurs, de Monique Canellas-Zimmer
♦ L’Impératrice Joséphine (1763-1814), de Françoise Wagener
Très intéressant. Bien mieux pour notre culture que les soirées télévisés.
Merci 😉
Très intéressant. Merci.
Merci à vous 😉
J’ai appris d’un guide aux châteaux de la Loire que les fraises cachées surtout les cicatrices de la Syphillis.
L’Histoire de la mode, en quelque sorte! Très intéressant!
Très instructif… Merci..
Très intéressante cette évolution de la mode
Merci pour ce bon papier, qui m’a permis de saisir la transition de la fraise vers le col Médicis, que j’ignorais totalement.
Merci pour ce commentaire ! 🙂
Merci pour ce succulent panier de fraises, excellement illustré et bien écrit.
Merci chez Allinne 😉
Très intéressant ! Ce serait encore mieux sans fautes d’orthographe…
Auriez-vous la gentillesse de préciser où sont ces fautes d’orthographes ?