Contexte
Huile sur toile terminée en 1787, ce portrait figure la princesse Adélaïde de France, fille de Louis XV et Marie Leszczynska. C’est la dernière représentation que nous ayons de cette fille de France, avant son décès à Trieste en 1800. Le tableau est actuellement exposé à Versailles, dans la première antichambre des appartements de celle qui fut sa sœur mais aussi sa compagne de vieillesse, la princesse Victoire.
Adélaïde Labille-Guiard était le peintre attitré des filles de Louis XV, quand Elisabeth Vigée-Lebrun était celle de Marie-Antoinette. En même temps qu’une guerre sourde faisait rage entre Mesdames tantes (menées par notre turbulente Adélaïde) et la Reine de France, une rivalité de femme et d’artiste opposait Labille-Guiard à Vigée-Lebrun.
N’oublions pas qu’en 1787 éclate la scandaleuse affaire du collier de la Reine. Figure de proue de la « vieille Cour », Adélaïde réaffirme son allégeance au règne précédant, marquant son opposition à cette nouvelle génération menée par Marie-Antoinette. Ce portrait, par delà la représentation d’Adélaïde, est une véritable apologie, une exaltation des Bourbons. On sait que Madame Adélaïde se voulait la gardienne de l’héritage de Louis XV. Elle aimait passionnément son père, bien que n’approuvant pas sa vie dissolue et menant la vie dure à ses maîtresses !
Petite anecdote : Le père d’Adélaïde Labille-Guiard, Monsieur Labille, tenait un magasin de mode célèbre : « A la toilette« . En 1761 entre à son service une nouvelle vendeuse au charme fou, une certaine Jeanne Bécu… Elle ne tardera pas à devenir comtesse du Barry. En attendant, elle se lie d’amitié avec la future portraitiste, qui travaille également pour son père. Etrangement, Mme du Barry ne fera jamais appel à Adélaïde Labille pour réaliser l’un de ses portraits. Mais bien des choses, alors, ont changées. Au lieu de vendre des étoffes précieuses et de riches ornements, elle les porte. Maîtresse de Louis XV, elle est honnie par Mesdames dont Labille est le peintre attitré…
Comprendre le tableau : description
Sur un chevalet, les portraits façon « médaille antique » du Roi Louis XV, de la Reine Marie Leszczynska et du Dauphin Louis sont réunis en un bas-relief imitant le bronze. C’est Adélaïde qui est supposée avoir peint ces effigies de ses parents et de son frère décédés. Elle tient encore dans sa main droite le pinceau avec lequel, juste en dessous, elle a tracé ces mots : « leur image est encore le charme de ma vie ». Toute la piété familiale d’Adélaïde transparaît dans cette métaphore transparente de son profond attachement à la dynastie.
Sur le tabouret ployant en X est posé un rouleau de papier, sur lequel est tracé le plan du couvent fondé à Versailles par Marie Leszczynska avec l’aval de Louis XV. Il s’agit du « Couvent de la Reine » : les beaux bâtiments ont été dessinés par l’architecte Richard Mique, originaire d’Alsace et guillotiné sous la Révolution pour son attachement à Louis XVI en tant que premier architecte.
A l’époque, Marie Leszczynska choisit les sœurs de Notre-Dame, du couvent de Compiègne, pour éduquer des jeunes filles issues de milieux nobles, mais pas seulement : certaines pensionnaires avaient des origines beaucoup plus modestes. A la mort de leur mère en 1768, les princesses Adélaïde, Victoire et Sophie protègent farouchement l’établissement, et Madame Adélaïde en devient la directrice. Dans ce tableau, la princesse apparaît comme la digne héritière de sa mère, une femme qui manifesta une piété remarquable tout au long de son règne.
Sur le bas-relief le plus apparent de la scène, sont représentés les derniers instants de Louis XV. Le Roi ayant été frappé par la petite vérole, les princes (ainsi que la Dauphine, future Reine de France) durent se tenir à distance et ne pas entrer dans la chambre du mourant : le danger que représentait la contagion était trop important. Mesdames entrèrent malgré toutes les oppositions, et certaines sources rapportent qu’elle eurent ce soulagement : « Nous ne sommes heureusement que des princesses. » Phrase sans doute apocryphe, mais qui illustre parfaitement le courage dont elles savaient faire preuve. Mesdames se relayèrent au chevet de leur père la journée, tandis que Mme du Barry veillait sur son amant la nuit.
L’intérieur retenu pour ce portrait est décoré de façon fort riche mais non ostentatoire, ce qui lui donne un aspect sage et grave. Le style reste donc assez austère, et en même temps il se dégage du tableau une douce mélancolie. Adélaïde tient dans sa main droite un mouchoir, et une forme de douleur est bien visible sur son visage.
La magnifique robe d’apparat, en velours rouge et brodée de feuilles d’or, passée sur une jupe de soie gris-perle, rappelle la haute naissance et le statut de la princesse.
Sources
♦ Catalogue de l’exposition « Marie-Antoinette » qui eut lieu au Grand Palais en 2008 : Marie-Antoinette, RMN
♦ Brochure éditée par le Château de Versailles le 23 avril 2013 : la réouverture des appartements de Mesdames, filles de Louis XV : http://www.chateauversailles.fr/resources/pdf/
♦ Musée de l’histoire de France, château de Versailles : http://www.museehistoiredefrance.fr
♦ Site des collections du château de Versailles : http://collections.chateauversailles.fr
♦ Biographie de la comtesse du Barry, par Jacques de Saint-Victor : Madame du Barry, un nom de scandale, par Jacques de Saint-Victor
♦ Ouvrage retraçant l’histoire du « Couvent de la Reine » : Le couvent de la reine : De Compiègne à Versailles
Bonjour,
Merci pour cet article passionnant (comme les autres). Concernant les portraits de Madame Adélaïde, sachez qu’il en existe un autre plus ancien dantant de1791 peint par Vigée Le Brun au Vatican (ou Adélaïde et Victoire s’étaient réfugiées). Je l’ai découvert lors de l’exposition dédiée a la célèbre portraitste. Ce tableau est aujourd’hui exposé à La Fére au musée Jeanne d’Aboville.
Très intéressant merci 🙂
Je cherche à savoir de quoi la princesse Adélaïde est morte … est-ce que vous sauriez ?
De vieillesse me semble-t-il !