You are currently viewing Madame de Pompadour par Evelyne Lever : mon avis sur cette biographie

Madame de Pompadour par Evelyne Lever : mon avis sur cette biographie

Parmi les favorites de l’Histoire de France, il est un nom qui domine. Celui de Madame de Pompadour. Celui d’une femme qui croyait en son destin et qui eut raison, puisqu’il fut exceptionnel. A-t-on jamais vu ascension si rapide, si complète et si parfaite ?

   La marquise de Pompadour réussit le tour de force de se rendre indispensable à Louis XV, qui la garda auprès de lui pendant 20 ans. Et si elle n’était pas morte prématurément, on peut raisonnablement penser qu’elle serait encore restée de longues années à ses côtés. Amante puis amie, elle fut la véritable compagne du Roi. Seule Madame de Maintenon, son modèle, la surpassa en devenant l’épouse secrète de Louis XIV.

   En revanche c’est un combat de chaque instant que dû mener Jeanne-Antoinette Poisson, dont le nom ne la prédisposait nullement à une destinée si glorieuse. Mais à quel prix ? Jamais acceptée par la Cour, qui voyait en elle la bourgeoisie montante, celle honnie de la finance, elle ruina sa santé fragile pour se maintenir à la première place, obligée parfois de se plier aux plus basses manœuvres. Survivre « dans ce pays-ci » lui coûta très cher : la vie. Plongeons maintenant dans la biographie de Madame de Pompadour par Evelyne Lever.

Procurez-vous Madame de Pompadour de Evelyne Lever !

Les débuts et l’entourage de Jeanne-Antoinette Poisson

   Evelyne Lever débute son récit par des retours en arrière pas forcément nécessaires, mais nous en apprenons beaucoup sur la jeunesse de la petite Jeanne-Antoinette Poisson. Une affirmation m’a cependant étonnée : le père de Jeanne ne lui aurait témoigné qu’une affection très refroidie. Pourtant, il est bien plus proche d’elle que sa mère, celle-ci se désintéressant totalement de sa fille. Pour un homme qui n’est pas certain d’être le père biologique de cette enfant et de son frère, l’intérêt qu’il leur manifeste est tout de même louable ! Simone Bertière affirme pour sa part que François Poisson aime ses deux enfants d’un « amour sans mélange », et qu’il est doté de la fibre paternelle. Il surnomme d’ailleurs Jeanne-Antoinette « Reinette » avec affection.

   L’auteur dresse un portrait de celles qui ont précédé Madame de Pompadour dans le lit du Roi, les sœurs de Nesles : étape indispensable pour comprendre dans quelles prédispositions se trouvait Louis XV lors de sa rencontre avec la belle Jeanne-Antoinette. Néanmoins, un raccourci sur cette période, concernant Marie Leszczynska pourra, comme moi, en gêner certains : Louis XV aurait sauté le pas après qu’il « eut renoncé à tout jamais à demander le devoir à la Reine qui s’était refusée à lui ». Il est bon de préciser que Marie Leszczynska ne prend pas cette décision de gaieté de cœur. Après avoir donné dix enfants au Roi, et enduré une fausse couche, les médecins sont formels : une autre grossesse peut lui être fatale. Pour préserver sa santé, elle se résigne…

   L’accent est mis également sur les autres membres de la famille de la marquise, qui va se montrer à la hauteur de ses espérances, le temps de l’élévation venu. Tournehem (probablement son véritable père), est un fin connaisseur des arts, et son frère fait preuve d’une intelligence qui n’est pas pour faire honte à la jeune femme, qui l’adore littéralement. En revanche Evelyne Lever affirme que « le bonheur de sa fille importait peu à la marquise ». Pourquoi alors Madame de Pompadour pleura-t-elle tant la mort de sa petite Alexandrine ? N’éprouva-t-elle vraiment aucun amour réel pour cette enfant ? Une simple phrase de sa part (citée dans cet ouvrage !) semble prouver le contraire :

Tout bonheur est mort pour moi avec ma fille.

   Dans cette biographie, un personnage secondaire n’est pas apprécié à sa juste valeur. Il s’agit de Marie-Josèphe de Saxe, la mère de nos trois derniers Rois, qui passe pour très influençable et peu flexible. Pourtant d’une intelligence remarquable, elle tente de rester en terrain neutre et ménage la favorite. Elle domine largement un mari qu’elle n’admire pas mais pour qui elle éprouve beaucoup de tendresse.

Madame de Pompadour peinte par François Boucher vers 1750
Madame de Pompadour peinte par François Boucher vers 1750

La marquise de Pompadour : mécène, artiste et actrice

   Evelyne Lever a l’art de nous conter de nombreuses anecdotes fourmillant de détails sur Jeanne, sa vie à la Cour ou en dehors de Versailles, sans que l’on s’en aperçoive. Le style est aéré, les informations données complètes et précises sans pour autant alourdir le récit. Les appartements successifs habités par Pompadour et les châteaux aménagés par elle sont délicieusement décrits par l’auteur, qui nous détaille les intérieurs tels que Jeanne-Antoinette les connut, dans la mesure du possible.

   L’auteur met particulièrement l’accent sur le talent d’actrice de Jeanne-Antoinette, sa passion pour le théâtre, qu’elle fait partager au Roi pour le divertir. Véritable comédienne dans l’âme, passionnée depuis son plus jeune âge, elle est réellement douée et ne manque pas d’user avec habileté de ses dons. Pourquoi s’en priverait-elle !

   Evelyne Lever rappelle souvent que Madame de Pompadour reste impressionnée par le destin de Mme de Maintenon, la femme et son œuvre se rappelant sans cesse à sa mémoire. L’Ecole Royale Militaire est un moyen pour elle de s’immortaliser comme Madame de Maintenon avec l’Ecole de Saint-Cyr. Hélas ! Très peu savent que la France lui doit cet établissement. En revanche, le nom de Pompadour est intimement lié à celui de Sèvres et de sa porcelaine réputée. Ce fut la plus grande entreprise de mécénat de sa vie, et le rayonnement de la manufacture dépassa toutes ses espérances. L’auteur aurait pu s’attarder davantage sur son histoire, une œuvre d’importance pour la marquise, et une véritable réussite. Cela méritait quelques lignes de plus. Ce qui n’empêche pas l’auteur de fournir une excellente analyse du mécénat artistique de Jeanne-Antoinette.

   Elle se comporte parfois avec tout l’égoïsme que l’on peut attendre d’une favorite grisée par le pouvoir et la puissance. Prise d’une « fureur de bâtir et de construire », elle fait preuve de peu de considération pour les ouvriers qui érigent ses résidences de campagne, n’hésitant pas à les faire travailler jusqu’à épuisement. De même, elle n’éprouve aucun scrupule à faire abattre les arbres majestueux des Champs-Elysées, sans égard pour les parisiens habitués à venir se réfugier à l’ombre de leurs larges branches. Ne peuvent-ils comprendre que la marquise désire une vue plus dégagée depuis son hôtel d’Evreux (futur palais de l’Elysée) ? Anecdotes rarement comptées, qui dévoilent une autre facette de la personnalité de Jeanne-Antoinette.

Un « travail » harassant pour la favorite de Louis XV

   Un fil conducteur est choisi par l’auteur, depuis l’arrivée à la Cour de Madame de Pompadour, et ce jusqu’à la fin de l’ouvrage : sa vulnérabilité physique. Dès les premières années à Versailles, la marquise doit tenir son rang de maîtresse déclarée, suivre un rythme effréné qui n’est pas pour améliorer sa santé fragile. Evelyne Lever ne manque pas de souligner la vie harassante d’une femme aimée, il faut le dire, égoïstement, par un monarque qui ne se rend pas toujours compte de ce qu’il lui fait endurer. Sans cesse contrainte d’innover pour mieux divertir un Roi de plus en plus mélancolique à mesure que les années passe et que le « Bien-Aimé » se transforme aux yeux de l’opinion en « Mal-Aimé ».

Il lui fallait donc rester la magicienne qui enchantait sa vie quotidienne. Mais son amant avait déjà beaucoup exigé d’elle. Avec sa santé chancelante, ses migraines, ses crachements de sang, Jeanne-Antoinette était épuisée. Elle n’était pas toujours la maîtresse voluptueuse que Louis XV attendait.

   Non, Madame de Pompadour n’est pas faite pour l’amour. Non seulement son tempérament plutôt froid ne l’y prédispose nullement, mais il est aggravé par des problèmes de santé très fréquents et probablement par une leucorrhée qui lui cause des douleurs physiques. (voir l’article Madame de Pompadour, maîtresse frigide et femme fragile).

Madame de Pompadour peinte en 1755 par Maurice Quentin de La Tour - Musée du Louvre
Madame de Pompadour peinte en 1755 par Maurice Quentin de La Tour – Musée du Louvre

   Mentalement aussi, son rôle est épuisant. Elle se trouve sous la menace permanente de se voir chassée de la Cour par un Roi qui, plusieurs fois par an est pris de scrupules. Les contradictions d’un homme profondément jouisseur mais dévot, tourmenté par le pêché, font trembler toutes ses maîtresses successives…

   Détail que j’ai beaucoup apprécié, Evelyne Lever retranscrit des passages entiers de ces fameuses « Poissonnades », libelles orduriers incendiant la favorite en titre et, chose nouvelle, n’hésitant pas à s’en prendre directement au Roi.

Une petite bourgeoise

Elevée à la grivoise, 

Mesurant tout à la toise

Fait de la Cour un taudis.

Le Roi, malgré son scrupule, 

Pour elle follement brûle ; 

Cette flamme ridicule

Excite dans tout Paris, ris, ris, ris

Mme de Pompadour : la vraie compagne du Roi

   Dès la fin de l’année 1749, la relation entre Madame de Pompadour et Louis XV se transforme en amour-amitié, unissant deux êtres par l’habitude, la confiance et le profond attachement plutôt que par la fougue de la passion. Et Jeanne-Antoinette gagne au change…

En ne partageant plus son lit, elle devenait plus que jamais sa compagne, sa partenaire, sa conseillère. Son influence n’allait pas cesser de s’affirmer. Après l’avoir enjôlé, elle l’avait littéralement engeôlé.

   L’auteur prend soin de détailler l’évolution de la relation entre le Roi et la marquise. Elle s’attache notamment à restituer les habitudes du Roi et de sa favorite, qui forment un couple soudé et uni. Bien davantage que la pieuse Marie Leszczynska, Jeanne-Antoinette fait office de Reine. C’est elle qui reçoit, c’est elle qui distribue les charges, c’est elle qui préside les grandes réceptions aussi bien que les soirées plus intimes comme les petits soupers, c’est elle encore qui accompagne Louis XV en province et partage son carrosse.

   Tout en éclipsant la véritable Reine de France, Jeanne-Antoinette entretient des rapports presque courtois avec Marie, souhaitant, le plus sincèrement du monde, lui être agréable. Après les contradictions du monarque, nous voilà face à celles de sa favorite, prête à étaler à la face du monde sa faveur exceptionnelle, mais ne supportant pas de vivre en mauvaise intelligence avec la souveraine légitime. Evelyne Lever s’attarde sur ces relations très particulières qu’entretiennent la Reine et la favorite.

   Le lecteur ne peut s’empêcher de voir comme une grande hypocrisie la conversion subite de Mme de Pompadour, qui marque également une étape dans ses relations avec le Roi. Ce qui est dommage, car on peut légitimement penser que Jeanne-Antoinette souhaitait réellement se réconcilier avec l’Eglise, et avec elle-même. L’auteur n’analyse pas assez les raisons qui poussent la marquise à se faire plus sage, et ne débat que très peu sur sa sincérité dans cette affaire.

Détail du portrait de Madame de Pompadour par François Boucher
Détail du portrait de Madame de Pompadour par François Boucher

💫 À lire aussi : Le parc aux cerfs, un lieu de débauche pour Louis XV ?

La Pompadour, Louis XV et la politique dans le Madame de Pompadour d’Evelyne Lever

   Je regrette que l’auteur ne s’attarde pas davantage sur la politique conduite par Louis XV, et sur ses motivations réelles en la matière, souvent complexes et le fruit de mûres réflexions. Le monarque a fort mauvaise presse dans cet ouvrage :

Narcissique, tristement épris de lui-même, il est persuadé que toutes les femmes lui céderont sans qu’il ait à combattre.

   Nous savons très bien aujourd’hui que Louis XV fut un monarque extrêmement timide, manquant d’assurance non seulement avec les femmes mais dans tout ce qu’il entreprenait. Le Roi n’« abhorrait » pas le travail, et ne songeait pas qu’à « déposer aux pieds de sa favorite le poids de ses soucis ». Loin de tout dire à la marquise, c’est en réalité un Roi profondément soucieux de la gloire de la France, qui travaille énormément. Il a l’esprit vif, clair et juste, mais comme c’est avant tout un homme de dossiers, son travail ne se voit pas forcément et les contemporains lui attribuent à tort un manque d’implication dans les affaires. Son plus grand défaut est son manque de confiance en lui, certainement pas son manque de travail.

   L’auteur a donc tendance à sous-estimer Louis XV et à accorder à Mme de Pompadour tous les fruits de la politique, notamment l’alliance avec l’Autriche. De même, elle attribue trop facilement à l’influence de la favorite le renvoi des ministres. Louis XV ne lui délègue pourtant aucun pouvoir tangible ! Il sait bien que Madame de Pompadour n’est pas réellement une tête politique capable d’exercer efficacement le pouvoir. Elle cède bien trop souvent à ses passions et impulsions.Tout au plus écoute-t-il ses conseils et cède parfois à ses désirs.

   Bien davantage en revanche que l’instigatrice de la politique du royaume, elle est l’intermédiaire clé entre les Roi et les puissances étrangères, car il est vrai qu’elle dispense grâce, nominations et faveurs. Néanmoins, l’ingérence de Jeanne-Antoinette dans la politique n’est pas toujours à propos, et rarement bénéfique.

   Madame de Pompadour, qui croyait toujours aider son amant, avait-elle conscience de nuire parfois à la bonne marche des affaires ? La gloire est une chose, mais savait-elle faire la différence entre la fermeté et la témérité, l’audace et l’imprudence ?  Profondément attachée au Roi, elle a tendance à penser que tout le monde éprouve les mêmes sentiments qu’elle envers le monarque…

   Elle se trompe lourdement sur Choiseul, qui n’éprouve que du mépris pour un Roi qu’il sert par pur intérêt personnel. Elle soutient avec fougue la poursuite de la guerre, malgré les judicieux conseils de Bernis, ami de longue date qu’elle n’hésite d’ailleurs pas à sacrifier lorsque ses vues divergent des siennes. Pourtant, nous savons avec le recul que Louis XV aurait dû écouter les conseils de l’abbé : stopper la guerre et, surtout, prendre un Premier Ministre…

   De toutes ces nuances, Evelyne Lever ne s’embarrasse pas forcément. Reste qu’elle nous présente une fresque historique de grande qualité sur l’une des favorites les plus controversées de notre Histoire !

Procurez-vous Madame de Pompadour, de Evelyne Lever !

Points positifs

♥ La personnalité de Jeanne-Antoinette, marquise de Pompadour, très bien analysée.

 Les relations de la favorite avec Louis XV sont décortiquées, et ses rapports avec la Reine légitime ne sont pas oubliés.

♥ L’auteur parvient bien à nous faire comprendre que si Jeanne-Antoinette fut une personne intelligente, elle fut aussi très ambitieuse, pour elle-même mais aussi pour le Roi.

♥ Beaucoup de soin apporté à décrire le quotidien de la marquise, les difficultés rencontrées pour garder la première place durant de si longues années.

Points négatifs

♠ Un jugement souvent outrancier et négatif à l’encontre de Louis XV, son manque d’implication dans les affaires. Inversement, l’action politique de Jeanne-Antoinette est exagérée. Pour une restitution plus juste de la personnalité du monarque et de l’action politique de la marquise, je conseille Les Reines de France au temps des bourbons, tome 5 : La Reine et la favorite de Simone Bertière !

 Certains personnages secondaires caricaturés, tels Marie-Josèphe de Saxe, la mère de nos trois derniers Rois.

👉 Vous aimez l’Histoire vivante et divertissante et vous en voulez encore ? Rejoignez les membres du Cabinet Secret, ma plateforme de contenus historiques, et nourrissez-vous de l’Histoire que vous aimez.
🗝 Je pousse la porte du Cabinet Secret 🤫

Cet article a 6 commentaires

  1. Olivia Legrand

    Merci pour cette formidable analyse à laquelle j’agréée parfaitement !

    1. Plume d'histoire

      Merci pour ce commentaire 🙂

  2. Chris Hasenfratz

    merci pour cet article sur Madame de Pompadour
    toujours un régal de lire vos articles
    bonne continuation

    1. Plume d'histoire

      Merci beaucoup 🙂

  3. Rolande Houze

    tord : mauvaise orthographe…
    c’est tort qu’il faut écrire.
    merci pour vos écrits.

    1. Plume d'histoire

      Oups… Corrigé !

Laissez un commentaire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.