Conservée au musée du château de Versailles et de Trianon, cette gouache sur papier de la Reine Marie-Antoinette a été réalisée au cours de l’année 1775 par le peintre Jean-Baptiste Gautier-Dagoty. Plongeons ensemble au cœur du tableau Marie-Antoinette à la harpe pour en saisir toutes les subtilités !
Contexte de la réalisation du tableau de Gautier-Dagoty
Dès son arrivée en France, Dagoty, fils d’un graveur, a évolué à la Cour, côtoyant chaque jour ceux qui se prêtaient au jeu de son pinceau ou de son crayon. Ce fut d’abord Louis XV, puis le Dauphin, et rapidement la famille royale au complet. Il devint le protégé de Marie-Antoinette. « Son art était médiocre, mais la vérité de son pinceau, extrême » : ce n’est pas tant la ressemblance des visages qui est saisissante, mais plutôt des costumes et des attitudes, étudiés avec soin.
Marie-Antoinette joue de la harpe, entourée de chanteurs. La Reine, grande amatrice de fêtes et de divertissements, avait pris l’habitude de donner de nombreux concerts, notamment dans les jardins du château du Versailles. Elle organisait des auditions privées dans ses petits appartements, ainsi qu’à Trianon, devenu rapidement son domaine favori.
En grande partie factice et reconstituée, la scène qui se déroule sur ce portrait n’en demeure pas moins extrêmement précieuse. Témoignage d’un instant de vie de Cour, elle renseigne aussi sur l’état et la décoration de la chambre d’apparat de la souveraine.
Ce portrait représente l’unique illustration dans l’iconographie royale française d’Ancien Régime des activités qui occupaient la matinée de la Reine après la cérémonie du lever !
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Comprendre le tableau Marie-Antoinette à la harpe
La Reine occupe incontestablement le centre de la toile, et elle reste le centre de l’attention. Vêtue d’un « négligé du matin », elle divertit sa petite Cour en jouant de la harpe, instrument qu’elle apprécie depuis son enfance.
Dès le 13 janvier 1773, elle écrivait à sa mère l’Impératrice Marie-Thérèse :
Malgré les plaisirs du Carnaval je suis toujours fidèle à ma chère harpe, on trouve que j’y fais des progrès.
Marie-Thérèse, qui craignait l’oisiveté de sa dernière fille, l’encourageait à distance à poursuivre l’apprentissage de cet instrument. En témoigne cette lettre du 3 mars 1773 :
Je vous envoie une musique pour la harpe ; vous me direz si vous avez pu l’exécuter ou non.
Si, sur cette toile, le peintre rend hommage à sa Reine, la scène représente une multitude d’autres personnages et fourmille de détails intéressants.
En 1938, Pierre Verlet (conservateur de musée et historien) reconnaît sur la table à gauche de Marie-Antoinette des objets ayant appartenus à Marie-Josèphe de Saxe, la très pieuse mère de Louis XVI : un miroir doré et la grande toilette de vermeil livrée par Thomas Germain, célèbre orfèvre parisien. Cette luxueuse toilette avait été restaurée dès 1770, de longues années après la mort de sa propriétaire, afin que la Dauphine fraîchement débarquée de Vienne puisse en faire usage.
Sur la droite du tableau se détache le monumental lit d’été couronné d’un coq et de branches de laurier, drapé de gros de Tours à fond blanc broché de ramages de chèvrefeuilles.
La suspension si particulière des rideaux, la présence de tous ces objets évocateurs de souvenirs, témoigne non seulement de la parfaite connaissance des lieux par l’artiste, mais aussi du goût très sûr de Marie-Antoinette en matière de décoration intérieure.
Un clin d’œil à la passion de la Reine pour les toilettes et les parures : Madame Rose Bertin, la célèbre modiste attitrée de la Reine, les cheveux couverts d’une coiffe noire, présente une boîte remplie de plumes, tandis que les coiffeurs, en second plan à droite, préparent pour leur souveraine une coiffure postiche (la mode des poufs ne va pas tarder à faire fureur !).
Ces scènes n’eurent certainement pas lieu dans la chambre de Marie-Antoinette mais dans ses appartements intérieurs. Qu’importe !
L’orgueil du peintre est perceptible dans le tableau. Il se représente lui même en train de peindre le portrait de Marie-Antoinette en tenue de sacre. L’ébauche tracée à la craie blanche laisse deviner la main de la Reine posée sur la mappemonde, l’une des plus célèbres œuvres de l’artiste :
La dame de compagnie installée en premier plan présente un feuillet à la souveraine. On pourrait croire qu’une partition de musique ou les paroles d’une chanson y sont inscrites En réalité, il s’agit d’une supplique que le peintre s’est permis d’insérer, de façon très discrète, dans le portait :
A la Reine.
Madame,
Monsieur, J.B.G Dagoty ayant eut l’honneur de peindre Votre majesté et de lui faire plusieurs portraits la supplie humblement de vouloir bien lui permettre de porter le titre de son peintre.
En effet, il venait de devenir officiellement Peintre de la Reine ! Visiblement très heureux de la tournure prise par sa carrière d’artiste, Dagoty ne résista pas à l’auto célébration de son succès…
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Sources
♦ Catalogue de l’exposition « Marie-Antoinette » qui eut lieu au Grand Palais en 2008 : Marie-Antoinette, RMN
♦ La biographie de Marie-Antoinette par Pierre de Nolhac : http://www.amazon.fr/Marie-Antoinette/PierredeNolhac
♦ Site des collections du château de Versailles : http://collections.chateauversailles.fr
Votre décryptage de ce tableau est passionnante. Merci ! Vous donnez vie à ma chère Marie-Antoinette.
Merci beaucoup ! 🙂