L’Impératrice Marie-Louise
En épousant l’archiduchesse Marie-Louise en avril 1810, après son divorce avec l’Impératrice Joséphine qui s’est avérée incapable de lui donner des enfants, Napoléon annonce la couleur : « J’épouse un ventre ». Son grand désir est d’obtenir enfin un héritier de son sang. Contre toute attente, il s’attache profondément à sa toute jeune femme, et aspire à une véritable vie de famille avec elle et leurs enfants à venir.
Lorsqu’elle tombe enceinte quelques mois après son mariage, Marie-Louise est confiante. Elle pressent qu’il s’agit d’un garçon. Toutefois, elle ne peut s’empêcher de confier à sa belle-sœur Élisa, prévoyant l’immense déception de son époux et du pays si tel n’est pas le cas :
Je ne fais que répéter à tout le monde que si c’est une fille de ne pas m’en vouloir et de recevoir avec autant de bienveillance ce pauvre petit être.
Le 19 mars 1811, en début de soirée, elle ressent les premières contractions. Les grands officiers et les membres de la famille impériale sont convoqués. La foule se presse devant les Tuileries.
L’accouchement est particulièrement difficile. Marie-Louise crie beaucoup et perd les eaux prématurément. Anxieux comme on ne l’a jamais vu, à tel point qu’Hortense de Beauharnais s’en étonne, Napoléon tourne en rond en attendant des nouvelles. Voyant l’inquiétude se peindre sur les traits de Dubois, le chirurgien-accoucheur, l’Empereur fait immédiatement chercher Corvisart, son premier médecin. Au milieu de la nuit, il renvoie les courtisans chez eux : la naissance n’est pas pour tout de suite.
Le travail de l’Impératrice est suspendu, et Dubois annonce qu’elle accouchera vers midi seulement.
Napoléon s’autorise un bain après quelques heures de repos. Mais voilà qu’à 5 heures du matin on le rappelle en hâte. Les contractions ont repris et l’accouchement se présente toujours aussi mal : l’enfant est en position transverse, cas extrêmement rare et dangereux pour la mère. Marie-Louise, qui comprend que tout ce remue-ménage autour d’elle est anormal, est particulièrement stressée, ce qui n’arrange rien.
Quand Dubois lui demande que faire s’il lui faut décider entre sauver l’enfant ou la mère, Napoléon n’a pas un instant d’hésitation. Sauver Marie-Louise à tout prix. Des enfants, il lui en fera d’autres !
La pauvre Impératrice, épuisée, se met à hurler lorsque Dubois sort les fers. Napoléon, comme Louis XIV avec son épouse Marie-Thérèse en son temps, se transforme en accoucheur et maintient fermement son épouse, aidé par Corvisart et par la comtesse de Montesquiou.
L’enfant, tiré par la tête avec les fers, voit enfin le jour. Les médecins, qui le croient mort, l’abandonnent sur le parquet dans l’espoir qu’ils reprennent vie sans y croire et concentrent leurs efforts sur la mère qui vient de s’évanouir. C’est Corvisart qui, au bout de quelques instants, s’aperçoit que le petit garçon vit en effet. Dans l’allégresse générale, l’étiquette reprend ses droits et les innombrables témoins « sont admis pour constater la légitimité de l’héritier du trône ».
En revenant à elle, Marie-Louise demande aussitôt des nouvelles de son enfant. Napoléon, radieux, lui amène l’Aiglon. Des larmes de bonheur roulent sur son visage de père attendri. L’Impératrice serre l’enfant contre son cœur en pleurant de joie, avant de remettre le précieux bébé à Cambacérès qui doit rédiger l’acte de naissance. Toute la capitale partage le bonheur des parents.
Ce premier accouchement est une épreuve terrible pour l’Impératrice, qui met de longs mois à s’en remettre. Elle commence à souffrir de rhumatismes et des premiers signes de la tuberculose (fièvre et crachements de sang), maladie incurable qui l’emportera en 1847.
Ce qui n’empêchera pas la jeune femme de donner naissance quelques années plus tard à quatre autres enfants (dont deux survivront) avec le comte de Neipergg !
L’Impératrice Eugénie
Lorsqu’elle apprend, quelques mois après son mariage en 1854, qu’elle est enceinte, Eugénie exulte. Si c’est un mâle, elle triomphe. Napoléon III a choisi une femme selon son cœur, au mépris des recommandations de ses proches, qui insistaient pour qu’il épouse une princesse. On a fini par lui pardonner à lui, mais pas à elle.
Il lui faut un enfant, une fille pour affermir sa position, un garçon pour asseoir définitivement sa légitimité, en tant que mère de l’héritier du trône.
A la mi-avril 1855, la jeune Impératrice fait une chute de cheval. On la transporte jusqu’à son lit, où elle souffre le martyre pendant dix-sept heures, victime de sueurs froides et de grandes douleurs dans le bas-ventre, avant de faire une fausse couche.
Eugénie se remet lentement. Elle reste alitée pendant 3 semaines et a ainsi tout le temps de se rejouer l’incident. Elle écrit à sa sœur Paca, mélancolique :
Les douleurs aigües ont cessé et au moment même où je commençais à avoir de l’espoir, j’ai eu le chagrin de voir que j’avais souffert en vain. Je me réjouissais beaucoup à l’idée d’avoir un joli bébé comme le tien, et j’ai été désespérée mais je rends grâce à Dieu que cet accident ne me soit pas arrivée plus tard, j’aurais eu encore plus de peine.
L’Impératrice tombe en réalité dans un sévère état dépressif. Elle se sent coupable : n’a-t-elle pas continué l’équitation, contre l’avis même de ses médecins ? Personne ne sait vraiment si la chute de cheval est véritablement la cause de cette fausse couche, mais Eugénie s’en persuade.
Heureusement, elle tombe rapidement à nouveau enceinte. Dans la nuit du 14 au 15 mars 1856, installée dans sa chambre au palais des Tuileries, les douleurs sont si violentes qu’on entend crier Eugénie jusque dans les salons avoisinants.
Elle est entourée des médecins, ainsi que de quelques amies et dames de qualité qui, pétrifiées, ne savent que faire pour la soulager. Napoléon III est particulièrement nerveux. Son épouse souffre et que le travail est lent. Il l’aide à faire quelques pas. Eugénie se cramponne à son bras en soufflant.
On la recouche, et les douleurs deviennent terribles. Les médecins sont affolés. Ils se décident à dire la vérité à l’Empereur : il faut employer les fers, ou la vie d’Eugénie et de son enfant sont en périls. Napoléon III s’exclame alors, imitant son oncle quelques décennies plus tôt : « Sauvez l’Impératrice ! »
Les médecins parviennent à sauver à la fois la mère et l’enfant. Au terme d’une attente si longue que les courtisans se sont endormis dans les fauteuils !
Les terribles instruments et le chloroforme administré laissent Eugénie pratiquement inconsciente à trois heures du matin, après un accouchement atroce ayant duré vingt-deux heures… Reprenant ses esprits, elle est folle de joie d’apprendre que la dynastie à un héritier, le prince Louis-Napoléon, rapidement surnommé Loulou.
Eugénie met anormalement longtemps à se remettre de ses couches. Elle est incapable de se lever, souffre atrocement. Un jour, elle décide de poser le pied par terre… Elle pousse un cri, chancelle et tombe dans les bras de ses femmes de chambre. Les médecins, appelés en urgence, ne diagnostiquent rien de moins qu’une fracture du bassin ! Le moindre mouvement devait être une torture… Eugénie reste totalement immobilisée pendant 2 mois pour se remettre de sa blessure.
Les médecins déconseillent à l’Impératrice toute nouvelle grossesse. Elle s’accrochera à son adorable garçon et n’aura pas d’autre enfant. Je la laisse conclure cet article par ces mots qu’elle adresse à sa sœur Paca après la naissance du prince :
Qu’il doit être doux de pouvoir être une mère comme les autres et de pouvoir bercer son enfant loin des indiscrets ! Mais ce fils ne nous appartient pas tout à fait. Il est aussi à la France.
Sources
♦ Eugénie, la dernière impératrice : Ou les larmes de la gloire de Jean des Cars
♦ Marie-Louise de Charles-Éloi Vial
♦ L’Impératrice Eugènie ou l’Empire d’une femme de Jean Autin
♦ Marie-louise, l’impératrice oubliée de Geneviève Chastenet
♦ Le Prince impérial Napoléon IV de Jean-Claude Lachnitt
Cet article est très intéressant ! Merci beaucoup !
Merci pour ce commentaire ! 🙂
C’est super de parler de l’Histoire ainsi, de l’expérience des femmes, si souvent totalement occulté. De plus vous faites ressortir le.côté humain des gd personnage. Merci bcp 🙂
Avant d’être des têtes couronnées, ils étaient bel et bien des hommes et des femmes 🙂
Bonjour et merci pour cet article très intéressant.
Je me permets d’apporter quelques précisions concernant l’accouchement de Marie-Louise.
L’enfant était positionné dans l’utérus en présentation transverse et pas en siège. Cette position arrivait à une femme sur mille et essentiellement aux femmes ayant déjà au moins 4 grossesses, or ici Marie-Louise accouchait de son premier enfant.
L’enfant une fois né n’a pas été abandonné sur le sol le croyant mort, il s’agissait d’une pratique courante à l’époque de mettre l’enfant sur le sol froid quand il ne montrait pas directement de signe de vie afin que le contact avec la fraîcheur du sol le fasse réagir, ce qui fut le cas.
Autre fait troublant est le fait que le chirurgien accoucheur de Marie-Louise était Antoine Dubois et que celui d’Eugénie était…Paul Antoine Dubois, son fils…
Cdt,
Frank
Merci pour ces précisions, et beau travail sur votre site 🙂
Très intéressant article !
Je me permets juste un petit commentaire personnel… Pour avoir mis au monde un enfant avec les fers et deux sans péridurale par choix, il me semble tout de même que ces dames ont surtout souffert du manque de compétences de leurs médecins.
Bonjour,
Je dirais plutôt que les médecins avaient un manque de connaissances à l’époque mais étaient pour beaucoup compétents. Sans la compétence et le sang-froid de l’accoucheur de Marie-Louise à la fois l’enfant et la mère seraient morts. Il a été très compétent sur base des connaissances et des techniques dont il disposait à l’époque.
Super intéressant !
Merci