Une piété intéressée chez Louis XI
Sous le règne de Louis XI (1461 – 1483), vie quotidienne et religion ne font qu’un pour la plupart des hommes, seigneurs comme paysans. Mais le souverain consacre davantage de temps aux exercices religieux que la majorité de ses sujets : sa piété ardente, qui le fait parfois passer trois jours en méditation, s’accompagne d’une tendance à la superstition.
En matière de religion, son instinct l’entrainait au-delà des pratiques qu’enseignait la foi catholique.
En adoration perpétuelle devant la Vierge, qu’il vénère particulièrement, il cultive l’attention de nombreux saints (ne se cantonnant pas aux frontières de son royaume), entend des messes spéciales et se rend fréquemment en pèlerinage dans les chapelles des environs. Assez ladre de nature, ayant eut l’habitude d’une vie à la campagne plutôt rudimentaire, il ne s’habille qu’assez modestement. Mais il délie les cordons de sa bourse dès qu’il s’agit de faire l’aumône ou d’aider telle ou telle institution religieuse.
Pendant la journée où le royaume commémore le massacre des Saints Innocents, journée qu’il considère néfaste, il se refuse à traiter toute affaire qui revêt un tant soit peu d’importance.
Lorsqu’il veut faire prêter serment à ses alliés, ou même à son frère Charles, duc de Berry, et s’assurer de leur bonne foi, il fait venir la croix de Saint-Laud, « qui a la réputation d’amener dans l’année la mort de quiconque osait rompre son vœu ».
Lorsque son second fils, François, décède en 1472, son chagrin est violent. Il aurait même fait raser le coin de forêt où il se tenait lorsqu’on lui apporta cette funeste nouvelle !
Tel était sa coutume : lorsque de mauvaises nouvelles lui parvenaient, jamais plus il ne montait le cheval qu’il montait alors, ni ne portait les mêmes habits.
D’après son biographe, Commynes, cet épisode bouleverse Louis XI. Il fait alors vœu de demeurer fidèle pour les restant de ses jours à sa femme, Charlotte de Savoie. Une promesse qu’il sembla tenir…
La piété de Louis XI, pourtant incontestable, peut difficilement être qualifiée de chrétienne. Ce n’est pas par foi profonde qu’il se prête à ces rituels liturgiques et manifeste une grande dévotion, mais plutôt pour attirer sur lui et son règne les bienfaits du Ciel. Son salut ? Il ne semble pas s’en préoccuper outre mesure… C’est « la réussite de ses entreprises et le maintien de sa santé » qu’il demande aux saints ! Une longue et heureuse vie, n’est-ce pas le plus important ? La vérité, c’est que Louis XI ressent une peur panique à l’approche de la mort.
La maladie rend soupçonneux
Lorsqu’il monte sur le trône, à l’approche de la quarantaine, le Roi n’a pas une santé très florissante. Il est victime, à intervalles réguliers, de brûlures d’estomac, de crises de foie, de goutte et de congestion hémorroïdaire. Mais il trouve la force d’exercer le pouvoir, et avec une redoutable efficacité !
Cependant, en 1473, une attaque cérébrale le laisse prostré plusieurs jours. Affaibli, le Roi répugne à se montrer diminué devant la Cour, aussi se barricade-t-il dans ses appartements pour préserver son autorité en attendant sa rémission, qui ne tarde pas.
En 1481, au château de Forges, il est victime d’une seconde attaque, beaucoup plus grave que la première. Deux semaines durant, il reste dans un état second, sans pouvoir parler, ayant perdu la mémoire. Lorsqu’enfin il recouvre ses esprits, il n’en demeure pas moins très diminué.
Dès lors, il se retranche dans son château du Plessis-Lès-Tours, une vraie forteresse où seuls de rares élus ont droit de pénétrer (dont sa fille, Anne de Beaujeu, future Régente de France).
Son esprit soupçonneux avait amené Louis à remplacer nombre de vieux serviteurs par des étrangers. Il renouvelait constamment ses gardes et ses domestiques.
Aucun seigneur ni prince ne réside au château : Louis XI a trop peur d’un enlèvement. Il ne redoute rien tant que l’on profite de sa faiblesse pour lui arracher le pouvoir de force !
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Le roi prêt à tout pour repousser la mort
Le Roi ne néglige aucune des ressources, célestes ou autres, susceptibles de prolonger sa vie.
Il collectionne ainsi amulettes et talismans, qu’il considère comme de véritables fétiches religieux. Tout au long de l’année 1483, jusqu’à sa mort, il dépense plusieurs centaines de milliers de francs en offrandes. Les chapelles et églises de France, mais aussi de Cologne, d’Aix-la-Chapelle, d’Utrecht, de Naples, de Rome, sont sollicitées.
Il se met en quête de toutes les reliques que comptent l’Occident, dans une course effrénée contre la mort, qu’il entend gagner par dessus tout. Il emprunte au pape le linge d’autel sur lequel Saint-Pierre est censé avoir chanté la messe. Il demande au prieur de Reims une goutte de la Sainte Ampoule afin de renouveler l’onction du sacre : elle arrive au Plessis le 1er août 1483, enveloppée d’un drap d’or, accompagnée de la Croix de Charlemagne.
Il appelle l’ermite François de Paule à son chevet, non pas pour lui demander le viatique mais la guérison ! Ce à quoi l’ermite répond qu’il ferait mieux de songer à son âme… Louis XI, parfois, se montre même méfiant :
Lorsque Laurent de Médicis lui envoie l’anneau de Saint Zénobe, il veut savoir s’il est authentique et quels miracles il a opérés.
Il remet tout de même en doute l’authenticité de l’une des plus précieuses reliques du saint patron de Florence ! Au total, il double la collection des reliques de ses prédécesseurs… En vain.
Allant encore plus loin, il charge l’un de ses meilleurs capitaines de marine, Georges Bissipat, de sillonner les côtes occidentales de l’Afrique jusqu’aux îles du cap Vert. Pour quoi faire exactement ? « Pour y chercher certaines choses fort importantes pour la santé de sa personne ». Le marin doit en fait lui rapporter, en grande quantité, des tortues de mer que l’on trouve au Cap vert : les médecins préconisent de se baigner dans le sang de ces animaux pour lutter contre la lèpre, maladie dont Louis XI se croit atteint. Il fait même quérir des « ongles d’élan » qui, lui dit-on, soulageront ses maux !
Mais on ne peut négocier avec le ciel ! Le lundi 25 août 1483, Louis XI est victime d’une troisième attaque cérébrale, qui le laisse comme mort jusqu’au lendemain matin. Le 30 août, il entre en agonie et, comprenant que la fin est proche, « se confesse très bien » avant de mourir dans la soirée. Comme il l’avait souhaité, son corps est enseveli à Notre-Dame de Cléry, qu’il vénérait par dessus tout, et non à Saint-Denis auprès de ses prédécesseurs.
Sources
♦ Le Larousse des Rois de France
♦ N° de la collection Atlas « Rois de France », Louis XI, L’Universelle Araigne
♦ Louis XI, de Paul Murray Kendall
♦ Historia Spécial n°6, A l’origine des superstitions
Très instructif
J’aime tous vos articles qui sont tous très intéressants
Merci, bonne lecture 😉
C’était un drôle de roi après avoir été un dauphin rebelle.
Une vraie tête politique malgré toutes ses lubies 🙂
N’oublions pas ses célèbres cages où un prisonnier ne pouvait ni s’asseoir ni s’allonger, y restant parfois jusqu’à sa mort…
SOURCES : Bibliothèque Nationale de France, Archives Historiques de Paris.
Un grand roi pour la France.
Sa félonie a eu pour conséquences le sac de Liège perpétré par Charles le Téméraire qui l’avait emmené quasi de force dans cette ville après la rencontre de Péronne. Ce roi grand « stratège » avait excité les liégeois à la révolte contre l’état Bourguignon mais s’était rétracté face au téméraire. Grand exemple de fourberie et de lâcheté !
Un roi méconnu , mais un grand roi dont on connait peu de choses !!! il est né je crois l’année où son grand-père Charles VI est mort !!! Ceci explique peut être cela …
Un roi que l’on fustige car sans scrupules, mais aucun personnage n’est tout noir ou tout blanc, et je trouve que Louis XI a même des côtés touchants !
Deux facettes très certainement !!! avec les gènes qu’il avait !!! très intéressant à étudier !
Oui en effet ! Un personnage complexe
Portait et profil psychologique instructif et original sortant des sentiers battus et de l’apprentissage académique.
Une petite bouffée d’oxygène temporelle.
Merci pour ce portrait, quelque peu attendrissant.
Oh merci infiniment