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Louise de La Vallière – Jean-Christian Petitfils

 

   Lorsque l’on évoque Louis XIV et les femmes, deux noms se détachent et dominent avec superbe : Athénaïs de Montespan, la favorite flamboyante et mordante, et Françoise de Maintenon, l’énigmatique épouse secrète. Le grand public néglige souvent la douce et discrète Louise de La Vallière. Une fable tenace la dépeint comme l’insignifiante et naïve première maîtresse du Roi, sans réel intérêt.

  Et pourtant ! Dotée de qualités de cœur remarquables, cette jeune femme sera l’unique maîtresse de Louis XIV à l’aimer uniquement pour lui-même. Si l’Histoire a tendance à se focaliser sur Athénaïs et Françoise, c’est qu’elles ont apporté, chacune à leur manière, le scandale : elles auront enflammé l’opinion, fait danser les pamphlets et valser les critiques.

   Louise de La Vallière est une oubliée du règne pour la simple et bonne raison que sa modestie désarmait. Comme l’énonce si bien l’auteur, jamais favorite de toute l’Histoire n’a autant inspiré le respect et commandé la décence. 

Procurez-vous Louise de La Vallière, de Jean-Christian Petitfils !

 

Louise de La Vallière peinte par Pierre Mignard
Louise de La Vallière peinte par Pierre Mignard

 

Tel épris qui croyait prendre

   Jean-Christian Petitfils débute sa biographie en nous contant la jeunesse de Louise, bien avant qu’elle ne fasse ses débuts à la Cour. Période méconnue de sa vie, durant laquelle son père lui inculque de sérieux principes et lui prodigue une solide éducation. Et déjà, elle manifeste la vertu dont elle fera preuve toute sa vie, ne s’en écartant que par la force de l’amour.

   La documentation de l’auteur est extrêmement riche, cette constatation est évidente dès les premières pages, ne serait-ce que par ses descriptions détaillées de la maison qui a vu grandir Louise, et par les informations qui sont données sur ses parents, plus particulièrement sa mère. Très différente de sa fille, d’ailleurs, par la cupidité qu’elle manifeste. Nous suivons avec délice la jeune Louise de la Baume Le Blanc évoluer ensuite chez Gaston d’Orléans, le frère de Louis XIII en exil, et se lier d’amitié avec ses trois filles. Enfin, l’auteur s’intéresse aux manigances de l’entourage de la jeune fille, qui profite d’un heureux coup du sort pour l’expédier à Versailles. C’est ainsi que Louise, innocente et déjà toute éperdue d’admiration pour ce Roi que l’on dit jeune et beau, est lâchée dans ce terrible panier de crabes que constitue la Cour.

   C’est avec la charge de dame d’honneur de Madame, Henriette-Anne d’Angleterre, épouse du frère de Louis XIV, que Louise fait ses débuts à la Cour en 1661. Jean-Christian Petitfils introduit son lecteur dans les secrets d’alcôve d’Henriette-Anne, qui flirte avec son royal cousin Louis XIV à la vue de la Reine Marie-Thérèse et de toute la Cour, au grand dam de la pieuse Anne d’Autriche. Voici que pour écarter les soupçons qui pèsent sur cette coupable romance, Henriette-Anne et Louis montent un stratagème machiavélique mais finalement peu original : le Roi feindra de courtiser les dames d’Henriette-Anne pour détourner l’attention. Le destin est en marche. Louise tombe éperdument amoureuse de Louis XIV. Quant au Roi, il se laisse prendre à son propre jeu et délaisse Henriette d’Angleterre. Louise de La Baume Le Blanc, ingénue d’une douceur exquise, le fait fondre de tendresse.

Portrait imaginaire de Louis XIV et Louise de La Valliere au Bois de Vincennes, par Jean-Frederic Schall
Portrait imaginaire de Louis XIV et Louise de La Valliere au Bois de Vincennes, par Jean-Frederic Schall

 

L’amour, le vrai

   C’est avec un réel talent de conteur que Jean-Christian Petitfils fait revivre la passion entre le Roi et Louise, et retrace pour son lecteur l’évolution de leur relation.

   C’est véritablement Louise qui fait découvrir l’amour à Louis XIV, et non, comme il aurait été naturel de le croire, Marie Mancini. Nous faisons connaissance avec une jeune femme timide, simple, qui ne rêve de rien pour elle-même, sinon de demeurer auprès de ce Roi qui a pris son cœur. Tous ses actes sont motivés par l’amour qu’elle lui porte. Elle l’aime sans condition, de façon totalement désintéressée. Sans ambition pour elle ni pour les siens, elle n’attend rien de son amant.

L’auteur nous dépeint également un Louis XIV exalté par cette passion nouvelle. Il fait encore figure de grand enfant, secret avec les femmes, intimidé par les audacieuses. C’est une facette de sa personnalité qui a été occultée par celle du Roi-Soleil, ce grand monarque majestueux, orgueilleux de son éclat, un Roi qui sait se tenir et taire ses états d’âme. Le voilà bien autre, composant des poèmes et de billets doux pour sa belle, romantique, tendre, volontiers jaloux.

   Jean-Christan Petitfils prouve, documents et témoignages à l’appui, que Louise a énormément compté dans la vie du Roi. Qui sait, en effet, qu’il lui a dédié les plaisirs de l’Isle enchanté, la fête la plus grandiose jamais donnée à Versailles ? Qui sait comment, égoïstement, il a tenté de la retenir à la Cour en cherchant à éveiller son sens maternel, alors que déjà Mme de Montespan avait pris sa place et lui faisait subir maints outrages ? Qui a déjà eu connaissance des petites brouilles infantiles qui les ont désaccordés l’espace de quelques jours pour mieux les réconcilier ?

   Louise ne peut se passer de lui. Lorsqu’il est absent, elle reste le plus souvent dans ses appartements, comptant les jours qui la séparent de son amant. Louis XIV n’a qu’une hâte lorsqu’il revient, se jeter dans ses bras. Jean-Christian Petitfils s’applique à redonner à cette histoire solide, qui a lié deux êtres pendant de nombreuses années, toute son intensité et sa puissance.

Détail d'un portrait de Louise par Jean Nocret - Musée du château de Versailles
Détail d’un portrait de Louise par Jean Nocret – Musée du château de Versailles

 

La honte d’une femme

   Cœur pur, Louise n’est pas faite pour la bassesse des uns et la médiocrité des autres. Elle ouvre naïvement son âme à ceux qui prétendent être ses amis. Progressivement, elle découvre le monde cruel et fourbe qu’incarne la Cour de Versailles. Elle ne s’y sent pas chez elle, n’est pas à l’aise au sein de cet univers luxueux, ostentatoire et malveillant.

  Cet amour profond et sincère qu’elle ressent pour le Roi, Louise le vit à la fois comme une joie et comme une souffrance. Sa position fausse la désespère : croiser la Reine est pour elle un supplice. Elle se sait en faute et c’est avec horreur qu’elle accueille sa première grossesse. Que Louis XIV exige d’elle de dissimuler son ventre rond et d’accoucher en cachette, à une époque où il n’assume pas totalement d’entretenir une maîtresse, lui apparaît comme naturel. Jamais elle ne n’accepterait d’offrir au monde le fruit de sa liaison condamnable. Jean-Christan Petitfils, grâce à un style magistral et des recherches généreuses, fait revivre sous sa plume l’âme tourmentée de cette « amante parfaite » (ainsi que la surnomme Sainte-Beuve).

   Enchaînée à un homme lié à une autre par l’union sacrée, Louise est tourmentée de scrupules. Pour Louis XIV, elle est prête à tous les sacrifices, même celui de son âme.

 

L’ombre et la lumière

   Pourtant, malgré la honte de sa situation, Louise, titrée duchesse de La Vallière, reste auprès du Roi. Mais déjà, ce dernier a changé. C’est de gloire qu’il rêve.

La Vallière ne lui offrait qu’un coeur plein de bonté, une tendresse mièvre et fade, un amour languissant qui avait perdu de son charme au fil du temps. Il voulait une femme piquante, fière, belle, intelligente, n’ayant pas peur de paraître, en un mot royale. Il n’eut pas besoin de jeter loin les yeux : Mme de Montespan, dame d’honneur de la reine, était là.

   L’installation durable de la Montespan dans le cœur du Roi traduit l’achèvement de l’histoire d’amour avec Louise. L’auteur nous relate la cohabitation scandaleuse des deux favorites, les humiliations qu’endure Louise de la part de sa rivale. Athénaïs n’a pas réussit à se débarrasser si facilement du premier amour du Roi !

   Louise ne supporte pas d’être mise en lumière : elle n’a pas l’étoffe d’une favorite flamboyante, elle le sait et s’en désespère. Ses tentatives pour regagner l’amour de son ancien amant sont émouvantes et tragiques. L’histoire s’achève entre le Roi-Soleil, qui rêve de gloire, et une femme qui se complait dans l’ombre et l’humilité.

Louise de La Vallière par Pierre Mignard (détail) - Musée du château de Versailles
Louise de La Vallière par Pierre Mignard (détail) – Musée du château de Versailles

 

Le temps de l’épanouissement

   Vient la maladie qui va changer sa vie. C’est un épisode sur lequel les historiens s’attardent peu : Jean-Christian Petitfils nous le narre minutieusement. Un long cheminement qui se fait dans l’esprit de Louise, alors qu’elle est à l’article de la mort. Ses pensées durant ces heures où elle a cru mourir, elle les a couchées sur le papier. Elle réalise que Louis XIV n’est qu’un homme parmi d’autres, pas un Dieu, qu’elle n’est pas enchaînée à lui et qu’il lui faut quitter la Cour tant que son âme peut encore être sauvée. Elle souhaite entrer dans un Couvent. Au plus vite. Hélas, c’est avec difficulté qu’elle parvient à s’extirper définitivement de la Cour. Il lui faut toute la volonté du monde et beaucoup de courage pour oser demander au Roi la permission de se retirer définitivement. Elle abandonne même ses enfants.

  C’est en entrant au Carmel que Louise atteint la plénitude qui lui était refusée dans le monde factice de la Cour. C’est une véritable vocation qui l’emporte, l’exalte même, au point que les sœurs, craignant pour sa vie, sont contraintes de réfréner ses ardeurs. De cette vie cloitrée, l’auteur nous retrace le parcours autant que les sources le permettent. C’est au Carmel que Louise rend son âme à Dieu, en 1710, ayant vu une dernière fois sa fille, heureuse et en paix avec elle-même.

Louise de La Vallière avec ses enfants par Pierre Pignard - Musée du château de Versailles
Louise de La Vallière avec ses enfants par Pierre Mignard – Musée du château de Versailles

 

   En refermant cet ouvrage, le temps s’arrête l’espace de quelques secondes : la vie de cette femme est si émouvante et si tragique ! Une histoire édifiante.

   Un destin fascinant, je recommande. La plume de l’auteur, qui connaît parfaitement son sujet, est délicieuse. L’histoire authentique, impeccablement documentée, nous emporte. Les timides et les humbles sont dignes, eux aussi, de reconquérir leur place dans l’Histoire. C’est la leçon que nous dispense avec brio Jean-Christian Petitfils. Humble, Louise aura su le rester toute sa vie. Rien, ni les splendeur de la Cour ni l’ambition maternelle, n’auront pu altérer son tempérament.

Procurez-vous Louise de La Vallière, de Jean-Christian Petitfils !

Points positifs

Les talents de conteur de Jean-Christian Petitfils.

La découverte d’une femme admirable, souvent occultée par Athénaïs de Montespan et Françoise de Maintenon.

Une facette de la personnalité de Louis XIV méconnue, et sa transformation progressive en monarque épris de gloire, d’apparat, commençant à aimer les femmes brillantes, à son image.

La richesse des informations fournies et des sources exploitées.

Points négatifs

 Une exposition des faits parfois trop dense et des précisions extrêmement pointues, pas toujours nécessaires.

 

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Cet article a 13 commentaires

  1. Athenais

    J’aime beaucoup Louise de La Vallière, souvent oubliée dans la liste des maîtresses de Louis XIV …. mais c’est la seule à l’avoir aimé pour lui-même … elle était douce et sans ambition et grâce à elle, Louis XIV a connu le vrai amour … Mais malgré tout il s’est mal comporté avec elle au début de sa liaison avec Mme de Montespan ….
    Je vais peut-être me laisser tenter par cet ouvrage , il a l’air intéressant

    1. Plume d'histoire

      Je vous le conseille vivement !

  2. Laure

    Dans un sens, elle l’a aidé à prendre confiance en lui, et donc à devenir le roi soleil!

    1. Plume d'histoire

      Malheureusement pour elle, qui se complaisait dans l’ombre…!

      1. Laure

        Oui; elle aimait l’homme, pas le roi!

  3. Athenais

    Louis XIV n’était guère reconnaissant, cependant il a autorisé leur fille Marie-Anne de Bourbon a porté le deuil de sa mère ! Ce que les enfants de la Montespan n’auront pas le droit de faire à la mort de leur mère.

    1. Laure

      simplement parce que la Montespan était marié, lui était reconnu comme leur père, mais n’était pas reconnu comme leur mère

  4. Laurence Abbaoui

    Alexandre Dumas en parle dans le Vicomte de Bragelonne, si je ne me trompe. C’est le souvenir d’une femme trop douce et donc qui devait être immanquablement malheureuse.

    1. Plume d'histoire

      Trop vraie et franche dans ses sentiments pour survivre à la Cour en effet…

    2. Plume d'histoire

      Elle n’était en effet pas destinée aux ors et la gloire !

  5. Sales

    Une femme si respectable qu’aucun mémorialiste ou écrivain de cette époque si ouverte la critique acerbe et au « bon » mot n’ a osé salir sa mémoire.

  6. Mariska Khametovich

    La pauvre… Respect. Qu’à t-elle enduré de sa rivale, dont l’esprit « Mortemart » faisait dire aux courtisans que passer sous les fenêtres de la Montespan équivalait à « passer par les armes… »
    Simple exemple adressé à Melle de La Vallière dans le grand escalier de Versailles : «… Vous descendez, Madame ? Moi, je monte… »
    Madame de Montespan dira des années plus tard, lorsqu’à son tour la faveur la fuira :
    «… La Cour… Un jour « tout »… Le lendemain « rien »…

  7. Artemoribus

    Question subsidiaire :
    Jean-Christian Petitfils emploie un vocabulaire très recherché et des mots très anciens parfois. Précisément dans cette biographie de Louise de La Vallière, il y a dans cette phrase, utilisée pour décrire l’intrigante notoire qu’était Olympe Mancini, un nom propre dont le sens/définition m’échappe encore à ce jour, malgré mes recherches : «cette craigne noire et intrigante, dont le venin allait faire tant de mal». Quelqu’un sait ce que veut dire le mot craigne?

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