You are currently viewing Agnès Sorel : la première maîtresse royale officielle de l’Histoire !

Agnès Sorel : la première maîtresse royale officielle de l’Histoire !

Une peau laiteuse presque diaphane. Des yeux pudiquement baissés tandis que la bouche vermeille esquisse une moue effrontée, répondant au corsage délacé qui laisse entrevoir un sein haut et rond. Tel est le portrait que Jean Fouquet, ami d’Agnès Sorel, favorite du roi Charles VII, nous laisse de cette femme en prêtant ses traits à sa somptueuse Vierge à l’Enfant. Un tableau délicieux devenu célèbre, à l’image de son modèle, surnommé en son temps la Dame de Beauté. En cette année 2022, nous fêtons le 600e anniversaire de la naissance de la belle Agnès !

Qui est Agnès Sorel ?

Il faut reconnaître qu’on ne connaît pas grand-chose d’Agnès Sorel avant son arrivée à la Cour de France. On sait qu’elle est née en 1422 dans une famille noble de Picardie, fille de Jean Soreau ou Sorel et de Catherine de Maignelais. Adolescente plutôt jolie et très intelligente, Agnès bénéficie d’une excellente éducation. Assurément, elle est promise à un beau mariage ! Personne n’imagine encore l’ascension vertigineuse de celle qui va enflammer le coeur du roi Charles VII. 

Agnès commence sa « carrière » comme demoiselle d’honneur de Yolande d’Aragon, la vénérable mère du duc René d’Anjou qui est aussi roi de Naples, titre qui le fait entrer dans l’Histoire sous le nom de « roi René ». 

La riche maison d’Anjou est l’une des plus puissantes, des plus luxueuses et des plus en avance sur son temps. Elle est bien plus fastueuse que la Cour de France. Le roi René ne lésine pas sur la dépense pour organiser fêtes et tournois mémorables. Il s’érige aussi en mécène de première importance, à la fois curieux, original et généreux. Pensionnant les peintres et les orfèvres, il s’entoure de savants et d’hommes de lettres.

Sous la surveillance de Yolande d’Aragon, cette femme pourvue d’une âme virile et d’un esprit délié, considérée par ses contemporains comme l’une des plus belles femmes de la chrétienté, Agnès Sorel passe plusieurs années à côtoyer la haute aristocratie angevine. École formatrice pour la jeune fille qui bénéficie d’une immersion culturelle et mondaine d’exception. Gracieuse et élégante, de tempérament stable, doux et sensé, elle est recherchée pour sa compagnie agréable.

Le Livre des tournois de René d'Anjou - Agnès Sorel passe son adolescence à la Cour d'Anjou
Le Livre des tournois écrit par René d’Anjou et illustré par l’artiste Barthélemy d’Eyck – Les ducs de Bretagne et de Bourbon en armure prêts au tournois (Gallica – BNF)

Le coup de foudre de Charles VII

Agnès devient probablement demoiselle d’honneur d’Isabelle de Lorraine, épouse du roi René, à la mort de sa protectrice Yolande d’Aragon en 1442. Elle fait en tout cas partie de la maison d’Isabelle lorsqu’elle rencontre le roi de France pour la première fois. Un voile de mystère entoure encore cette rencontre. Était-ce en 1442 ? 1443 ? À quel endroit ? Les historiens n’en savent rien. En tout cas, les deux Cours sont liées. Charles VII a épousé Marie d’Anjou, une soeur du roi René.

Agnès doit d’abord être assez décontenancée par l’apparence peu avenante du roi de France. Charles VII n’a rien d’un Don Juan. Fils d’un roi fou, Charles VI, et d’une mère peu aimante, Isabeau de Bavière, le monarque n’a guère confiance en lui. En plus de cela, son apparence est plutôt repoussante : un nez long et gros sur le bout, un visage maussade et un corps mal proportionné… Mais son maintien est noble et gracieux, sa conversation avenante, ses manières délicates.

Ce qu’il y a de certain, c’est que Charles VII éprouve pour Agnès Sorel un amour profond et instantané. En somme, c’est un coup de foudre. D’abord séduit par sa beauté, il est définitivement conquis par son esprit brillant. 

Une taille haute, libre et dégagée, et des traits parfaitement réguliers, n’étaient pas ce qui plaisait le plus dans la belle Agnès. Son visage était toujours animé d’une douce gaieté, qui en inspirait à tous ceux qui la voyaient. Ses yeux brillaient d’un feu que la pudeur pouvait avouer. Sa démarche était noble et aisée, et sa conversation si fort au-dessus de la façon dont les femmes s’exprimaient alors, qu’on la regardait à cet égard comme un prodige.

Observations sur les écrits modernes – 1 janvier 1739

Depuis qu’il a été mené au sacre par Jeanne d’Arc en 1429, le roi a pris un peu confiance en lui et s’affirme davantage. Il ose prendre des décisions lui-même, dans les affaires du royaume comme dans sa vie privée. Ne perdant pas un instant, il négocie le transfert d’Agnès dans la maison de sa propre épouse Marie d’Anjou. 

La nouvelle demoiselle d’honneur de la reine de France n’est pas stupide : elle ne cède pas tout de suite à ses avances. Il faut à Charles VII des attentions réitérées pour parvenir à ses fins. Il semble qu’Agnès n’attende pas trop longtemps non plus car la première fille du couple, Marie, naît sans doute à la fin de l’année 1443 ! Ce n’est néanmoins que le 24 mai 1444 que le roi affiche publiquement sa nouvelle conquête : Agnès participe à ses côtés aux festivités de la conférence de Montilz-les-Tours qui établit une trêve de plusieurs années entre la France et l’Angleterre. Sa faveur qui devient bientôt éclatante.

Charles VII tombe fou amoureux d'Agnès Sorel. Il est représenté ici par Jean Fouquet en 1444 - Musée du Louvre
Charles VII tombe fou amoureux d’Agnès Sorel. Il est représenté ici par Jean Fouquet en 1444 – Musée du Louvre

Une position officielle aux côtés du roi

Pendant plus de sept ans, Agnès Sorel et Charles VII vivent une véritable histoire d’amour. Loin de se résoudre à partager la couche d’un homme disgracieux par pure ambition, la nouvelle maîtresse royale se prend d’affection pour son amant. Touchée par sa personnalité généreuse, elle lui rend l’amour qu’il lui porte en lui témoignant fidélité, affection et dévotion. 

Pour la remercier de cette constance à laquelle il n’est pas habitué, Charles VII accorde à sa chère Agnès une place jamais obtenue par une femme auprès d’un roi : une situation publique officielle. Pour la première fois dans l’Histoire, une maîtresse royale obtient les mêmes honneurs et vit dans le même faste que si elle était son épouse légitime !

Devenue favorite officielle en 1444, Agnès apparaît désormais régulièrement dans les chroniques. Son statut surprend, voire dérange. On dénonce souvent son train royal qui éclipse avec impertinence celui de Marie d’Anjou. Le chroniqueur Georges Chastellain se scandalise que la maîtresse royale puisse avoir les « plus beaux parements de lit, meilleure tapisserie, meilleur linge et couvertures, meilleure vaisselle, meilleures bagues et joyaux, meilleure cuisine et meilleur tout » ! Et que dire de la situation de cette pauvre reine et épouse, Marie d’Anjou, qui doit souffrir d’avoir cette intruse à sa table et faire mine de s’en réjouir ?

Pourtant, la discrète épouse de Charles VII ne manifestera jamais aucune animosité à l’égard d’Agnès Sorel. Elles entretiennent même d’excellents rapports. Peut-être est-elle soulagée, après avoir donné douze enfants à son époux, de le voir occupé avec une autre femme ? Enfin un peu de répit !

Toujours est-il que la belle Agnès est élevée par son royal amant « en tel triomphe et tel pouvoir que son état était à comparer aux grandes princesses du royaume » commente Olivier de La Marche dans ses Mémoires. Elle s’installe dans les demeures royales officielles, notamment à Loches où elle réside dans une Tour communiquant avec la chambre de Charles VII par un couloir débouchant sur une porte aujourd’hui murée. 

Après la petite Marie née en 1443, Charlotte voit le jour l’année suivante puis Jeanne complète en 1445 ce trio de « bâtardes » toutes reconnues princesses de Valois et richement dotées par leur géniteur. Elle feront toutes de beaux mariages. Par sa cadette Charlotte de Valois qui épousera Jacques de Brézé, Agnès Sorel est l’ancêtre de nombreuses grandes figures historiques, notamment Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II, ainsi que de princes et princesses des maisons royales d’Espagne, de Roumanie, d’Italie, de Bourbon-Parme… Il y a des descendants d’Agnès Sorel et Charles VII dans vingt-trois familles de têtes couronnées d’Europe !

Agnès Sorel d'après un portrait disparu de Jean Fouquet - Musée des Offices de Florence
Agnès Sorel d’après un portrait disparu de Jean Fouquet – Musée des Offices de Florence

Agnès Sorel reine de la mode

Les contemporains saluent, à l’unanimité, la beauté d’Agnès Sorel. « C’était une des plus belles femmes que je vis jamais » concède Olivier de La Marche tandis que Jean Chartier, certes historiographe du roi mais pas toujours tendre à l’égard d’Agnès, affirme « que entre les belles c’était la plus jeune et la plus belle du monde ». 

La mode n’a pas attendu Agnès pour pousser les femmes à des excès en tout genre. Sous le règne de Charles VI, on aime étaler sa richesse avec excès. Au luxe des demeures royales et princières répondent la somptuosité de la table et l’éclat des toilettes, le tout dans l’extravagance la plus désordonnée.

Les femmes de la Cour sont couvertes de pierreries, ornées, étincelantes comme des statues ou des poupées.

Agnès Sorel, et Charles VII – François-Frédéric Steenackers

L’opulence, qui éclipse l’élégance, charge les femmes plus qu’elle ne les pare. Quand elles n’ont pas les épaules et les seins dénudés ! Car contrairement à ce qui est souvent avancé, ce n’est pas à Agnès que l’on doit les « gorges découvertes. » Peut-être a-t-elle bien « les plus beaux seins du monde » mais ce ne sont pas les premiers à apparaître en public…

Le poète Eustache Deschamp parle des « grêles corps, gros culs et poitrines » qui se baladent à la Cour d’Isabeau de Bavière, et des têtes écrasées par le hennin, cette coiffe gigantesque qui oblige les femmes à se baisser pour passer les portes. 

Agnès est cependant bien à l’origine d’une fashion revolution : elle apporte du goût dans le luxe, de la grâce dans la fantaisie. Elle mêle avec génie des robes « inspirées du vestiaire des femmes du peuple » offrant un corsage nonchalamment délacé, avec des traînes « plus longues qu’aucune autre princesse » et bordées de fourrure de zibeline. De quoi mettre en valeur ses épaules et sa taille étroite. Personne à la Cour ne peut espérer égaler l’art de se parer à la Agnès

Ne sélectionnant que des étoffes de qualité pour constituer son impressionnante garde-robe, Agnès Sorel devient la meilleure cliente du célèbre Jacques Coeur, conseiller et argentier (trésorier) du roi. Négociant et commerçant de génie, Jacques soumet à la convoitise d’Agnès les plus beaux tissus rapportés de ses expéditions lointaines, notamment de ses comptoirs d’Égypte. Soies d’Orient de toutes les couleurs, fourrures rares, draps d’or délicats… Il y a toujours de quoi satisfaire la fantaisie de la favorite royale. 

Jean Fouquet donne à sa Vierge à l'Enfant les traits d'Agnès Sorel. Étonnant tableau réalisé vers 1452-58 et qui fait partie d’un diptyque avec un autre panneau représentant son commanditaire, Étienne Chevalier, trésorier du roi, que l'on a dit lui aussi amoureux d'Agnès. (Anvers)
Jean Fouquet donne à sa Vierge à l’Enfant les traits d’Agnès Sorel. Étonnant tableau réalisé vers 1452-58 et qui fait partie d’un diptyque avec un autre panneau représentant son commanditaire, Étienne Chevalier, trésorier du roi, que l’on a dit lui aussi amoureux d’Agnès. (Anvers)

Si Agnès aime parer son cou de « colliers d’or et de pierreries », elle est surtout la première à arborer des diamants taillés, autrefois associés à la virilité guerrière et donc réservés aux hommes. Piquées dans ses coiffes, ces pierres précieuses parachèvent avec élégance ses tenues. Des coquetteries qui coûtent une fortune ! Lorsque Charles VII rachète les diamants d’Agnès après sa mort, il doit débourser plus 60 000 livres. L’historien Pascal Arnoux offre une comparaison : l’entretien, l’armement et le paiement de la solde d’une armée de 20 000 hommes coûtent environ 700 000 livres. 

Fidèle à la mode du temps, Agnès se fait épiler les sourcils ainsi que la racine des cheveux pour arborer un front haut jugé plus esthétique. Ses astuces et ses rituels-beauté sont d’une précision remarquable :

Chaque matin, une suivante triture dans un mortier le masque qu’elle appliquera avant de se maquiller : un mélange de cervelle de sanglier, de fiente de chèvre, de bave d’escargot, d’œillets rouges, de quelques vers de terre, sans oublier bien sûr un peu de sang de loup. Voilà de quoi nourrir son teint et donner à sa peau un velouté qui résistera au temps. Pour conserver l’éclat de son visage, elle utilisera du miel pur en masque, juste avant de se mettre au lit. Mais la vraie recette de sa beauté, celle qu’elle gardera secrète jusqu’à sa mort, c’est une huile exquise pour adoucir la peau : dans un litre de crème, il faut jeter des fleurs de nénuphar, de fève et de rose, puis faire chauffer le tout au bain-marie.

Petite histoire du maquillage – Lydia Ben Ytzhak

C’est Jacques Coeur qui lui aurait rapporté d’Orient cette recette parfaite donnant une pâte onctueuse à laisser poser sur le visage !

👉 Un article qui pourrait vous plaire : la mode des mouches sous l’Ancien Régime ou encore la mode des poufs à Versailles !

Agnès Sorel favorite du roi et conseillère politique

Loin d’incarner la jeune femme futile et vaniteuse, Agnès est une âme généreuse. Sensible et dévouée, elle se révèle totalement « éloignée des banalités de l’aumône, si facile aux grandes dames, et de l’orgueil sec, impétueux, égoïste, qui caractérise les favorites sans coeur. » (Auguste Vallet de Viriville) Elle comble de largesses les monastères, les églises et les mendiants. Elle lèguera tous ses biens à la collégiale de Loches et c’est dans cette église que l’on peut aujourd’hui admirer son magnifique gisant de marbre.

Agnès Sorel a aussi du plomb dans la cervelle et s’en sert à bon escient. Chateaubriand ne lui rend-il pas le plus beau des hommages en écrivant à son sujet que « de toutes les maîtresses royales, Agnès Sorel a été la seule à être utile à la France et à son roi » ?

Agnès est en effet l’une des meilleures conseillères du monarque. Femme influente qui lui donne des recommandations judicieuses, elle est présente lors de toutes les grandes rencontres et assiste à tous les Conseils privés. 

Pacifique de nature mais profondément française, elle pousse Charles VII à adopter une attitude de fermeté vis à vis des Anglais, plaçant sur son chemin des personnes compétentes et de confiance. Le chroniqueur Olivier de La Marche s’en fait l’écho :

Elle prenait plaisir à avancer devers le roi des jeunes gens d’armes et gentils compagnons, dont le roi fut depuis bien servi. Elle fit en sa qualité beaucoup de bien au royaume.

C’est elle qui lui recommande Jacques Coeur, dont l’immense fortune va l’aider à relancer le commerce et la gloire de la France, et elle favorise les vues des intelligents Pierre de Brézé et Étienne Chevalier.

Pour la première fois en Occident depuis la chute de Rome, une femme accède au pouvoir politique et s’y maintient par la seule force de sa séduction. Si une reine existe grâce aux alliances qu’elle propose sur l’échiquier politique, grâce aux héritiers – mâles – qu’elle met au monde afin d’assurer la lignée royale et, partant, la continuité du pouvoir, Agnès, elle, existe parce qu’elle est Agnès : sa légitimité ne repose que sur sa propre personne.

Ruses et plaisir de la séduction – Marie-Francine Mansour
Agnès Sorel d'après la Vierge à l'Enfant de Jean Fouquet - Philippe Comairas - Château d'Azay-le-Ferron
Agnès Sorel d’après la Vierge à l’Enfant de Jean Fouquet – Philippe Comairas – Château d’Azay-le-Ferron

Dame de Beauté ou reine de la puterie ?

Tout n’est pas rose dans la vie d’une favorite officielle, loin s’en faut. L’animosité du dauphin, futur Louis XI, envers Agnès Sorel a fait couler beaucoup d’encre. Mais les causes de cette haine farouche demeurent obscures. On a dit qu’il était très proche de sa mère la reine Marie et n’aurait pas supporté son humiliation quotidienne.

En réalité, les historiens de la période pensent que le jeune homme est lui aussi, tout simplement, tombé amoureux de la maîtresse de son père. Comment expliquer sinon que les premiers démêlés entre le fils et la maîtresse de Charles VII n’apparaissent dans les chroniques qu’autour de l’année 1446 ?

Agnès est déjà favorite en titre depuis plusieurs années ! Et pourquoi Louis aurait-il fait offrir en 1444 à la maîtresse de son père de somptueuses tapisseries prises lors d’une campagne contre le comte d’Armagnac ? La flagornerie et l’hypocrisie font certes partie du caractère de ce jeune homme qui s’illustrera comme l’un des monarques les plus habilement retors de toute notre Histoire, mais passer presque sans transition de la flatterie à une haine si viscérale soulève quelques questions… 

Blessé dans sa fierté et sans doute jaloux de son père avec lequel il ne s’entend guère, le prince Louis change de comportement à l’égard d’Agnès. Il devient hautain, méprisant, n’hésitant pas à rabrouer cette « ribaude » en public. Certains chroniqueurs de l’époque relatent qu’un jour, il va jusqu’à oser « donner un soufflet » à Agnès. 

Outré par tant de violence et de mauvaise volonté de la part de son fils, Charles VII le condamne à l’exil pour quatre mois. La rupture est consommée entre le roi et le dauphin. Louis ne fera plus que comploter contre son père en attendant son heure. 

C’est une tension de trop pour la douce Agnès. Elle décide de quitter le quartier de maison qui lui permettait de vivre à la Cour et part s’installer dans les propriétés gracieusement octroyées par son amant.

Car en plus de tout le mobilier et les étoffes de luxe, du train de vie somptueux rendu possible par une confortable pension, Agnès profite du domaine de Loches sur les bords de Loire et du château de Beauté-sur-Marne à quelques kilomètres de Paris. C’est cette demeure qui lui vaut le surnom de Dame de Beauté qui lui sied à merveille.

Comme toute maîtresse royale, et encore plus depuis qu’elle usurpe la position officielle de la reine, Agnès Sorel sert de bouc-émissaire au peuple. Les Parisiens, surtout, la détestent. Quand son fidèle ami et conseiller du roi Pierre de Brézé doit répondre devant le Parlement de Paris d’une accusation de complot contre la personne du roi, Agnès se rend dans la capitale pour plaider sa cause.

Elle s’imagine alors sans doute intouchable dans son rôle d’ambassadrice du souverain. Hélas ! Paris est alors une ville qui souffre des épidémies et de la saleté, où le peuple est écrasé par la misère. Agnès n’est pas en odeur de sainteté : on la surnomme la « reine de la puterie » !

Face à sa beauté éblouissante, à la splendeur de ses parures, à chacun de ses passages et de ses sorties, la population la hue. Meurtrie par tant d’injures, elle retourne en Touraine.

Ruses et plaisir de la séduction – Marie-Francine Mansour
Le Livre des tournois écrit par René d'Anjou et illustré par l'artiste Barthélemy d'Eyck - Les ducs de Bretagne et de Bourbon en armure prêts au tournois. Le détail de cette planche montre bien la mode de l'époque chez les femmes (Gallica - BNF)
Le Livre des tournois écrit par René d’Anjou et illustré par l’artiste Barthélemy d’Eyck – Les ducs de Bretagne et de Bourbon en armure prêts au tournois. Le détail de cette planche montre bien la mode de l’époque chez les femmes (Gallica – BNF)

La mort foudroyante d’une favorite

Les derniers soubresauts de la guerre de Cent Ans s’achèvent par l’entrée triomphale de Charles VII dans Rouen, capitale normande délivrée des Anglais, le 10 novembre 1449.

La favorite, retirée au château de Loches pour vivre sa quatrième grossesse, s’alarme à la fin de l’année lorsqu’elle apprend qu’un complot menace la vie du roi. Elle décide d’aller l’avertir elle-même du danger. Alors qu’elle est enceinte de sept mois, l’inconsciente n’hésite pas à braver le froid et à soumettre son corps affaibli aux cahots de la route.

Installé à l’abbaye de Jumièges, Charles VII prépare le siège d’Honfleur. L’abbé de Jumièges, bien embarrassé par l’arrivée impromptue de la favorite au début du mois de janvier 1450, installe le couple adultère dans le manoir de la Vigne. Cette gentilhommière du XIIIe siècle fait bien l’affaire en temps de guerre mais ne convient pas du tout à une femme si près d’accoucher. Aucune commodité dans ce lieu humide et insalubre ! Si les rumeurs d’un danger couru par le roi sont vite démenties, c’est la santé d’Agnès qui alarme Charles VII.

Considérablement affaiblie, elle donne naissance à une quatrième fille un peu plus de trois semaines après son arrivée. Elle ne se remet pas de l’accouchement. La souffrance la tient clouée au lit. Ce sont des journées terribles pendant lesquelles son corps entier n’est que douleur, vomissements et diarrhées. On parle alors de flux de ventre. Elle interdit la porte de sa chambre pour que personne, hormis son confesseur, ne puisse la voir dans cet état. Agnès Sorel s’éteint à l’âge de vingt-huit ans le 11 février 1450, après une terrible agonie, laissant un monarque éploré. Son coeur est prélevé pour être mis en terre à l’abbaye de Jumièges, et son corps rejoint la Touraine, inhumé en l’église de Notre-Dame de Loches.

Gisant en marbre blanc d'Agnès Sorel à Loches
Gisant en marbre blanc d’Agnès Sorel à Loches

Aussitôt, des rumeurs d’empoisonnement courent. N’a-t-elle pas beaucoup d’ennemis ? Sa relation avec le roi lui a attiré les foudres de l’Église et d’innombrables malédictions professées par les jaloux. Encore aujourd’hui, on se pose la question. Jacques Coeur ? Une femme désireuse de prendre sa place, comme sa propre cousine Antoinette de Maignelay qui vient d’entamer une relation avec Charles VII ? Robert Poitevin, le premier médecin du roi qui s’occupe d’Agnès Sorel et qui est l’un de ses trois exécuteurs testamentaires ?

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en 2005 une présence excessive de mercure est retrouvée dans les cheveux et les sourcils du cadavre de la jeune femme, après une longue série d’analyses effectuées par des dizaines de spécialistes de dix-huit laboratoires et institutions. 

L’analyse paléo-parasitologique prouve qu’Agnès Sorel était atteinte d’une infection parasitaire intestinale par l’ascaris, autrement dit par les vers. Pour se débarrasser de ces vers, connus des médecins de l’époque, Agnès recevait un traitement en deux temps. D’abord l’ingestion de fougère, pour paralyser le parasite, puis l’ingestion de mercure, pour provoquer une purge intestinale. Un traitement efficace utilisé jusque dans les années 1950 ! 

Mais le taux de mercure retrouvé sur les restes d’Agnès est de 10 000 à 100 000 fois supérieur à la dose thérapeutique habituelle ! Le médecin s’est-il trompé dans la dose destinée à l’habituel traitement vermifuge ? Difficile de croire à une erreur médicale aussi grossière… Est-ce que quelqu’un a bien profité de cet évènement pour se débarrasser de la favorite royale ? Le mystère reste entier.

❤️ Vous aimez ma manière de vous inviter dans les histoires de l’Histoire ? Vous n’avez encore rien vu 😉 Découvrez sans plus attendre ma plateforme de contenus immersifs : le Cabinet Secret ! 🗝

Sources principales

Le livre des tournois de René d’Anjou

Agnès Sorel et Charles VII de François-Frédéric Steenackers

Agnès Sorel de Robert Duquesne

Agnès Sorel de Françoise Kermina

Œuvres de Georges Chastellain : Chronique. 1461-1464

Mémoires d’Olivier de La Marche – Tome 2

Chronique de Charles VII par Jean Chartier – Tome 2

Les filles d’Agnès Sorel de Paul Durrieu (Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres – 1922)

Histoire de Charles VII, roi de France, et de son époque par Auguste Vallet de Viriville

Ruses et plaisirs de la séduction de Marie-Francine Mansour

Petite histoire du maquillage de Lydia Ben Ytzhak

Cet article a 8 commentaires

  1. Reine Ebessouguie

    Un grand merci pour ces recits si passionnants

    1. Plume d'histoire

      Merci à vous pour ce retour de lecture

  2. DahliaBleue

    Merci jolie Plume pour votre talent et votre manière élégante de manier la Plume !
    Grand bravo !
    Veronick

    1. Plume d'histoire

      Oh merci infiniment

  3. Maria

    Tres interesssants tous vous recits. On les attends avec beaucoup d’interes! On vous remercie!

    1. Plume d'histoire

      Chère Maria merci pour votre enthousiasme

    1. Plume d'histoire

      Merci !!

Laissez un commentaire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.